Jeudi 5 septembre

La différenciation pédagogique.

Comme tellement de concepts au départ vertueux, le langage et les volontés politique ont eu tendance à transformer ces trois mots en un catéchisme exaspérant et vidé de sens. Pourtant, sa nécessité s’en fait sentir. Cette année plus que toutes les autres.
Parce que ça y est, j’ai rencontré toutes mes classes. Et l’écart est vertigineux.

Comme en cinquième Astronelle, dans laquelle certains mômes terminent le boulot que j’avais prévu en un quart du temps imparti, tandis que je découvre des élèves non lecteurs. Handicaps physiques, psychologiques, blocages mentaux, arrivés sur le sol français depuis quelques mois à peine. Avec, luxe inouï, quelques heures de présence d’un AESH, mais rien de plus. Comme toujours, l’inclusion, mais avec à peine plus de moyens que le système D.

Je n’ai pas encore pris la mesure de la classe, après moins d’une semaine, mon cours n’est pas adapté comme il faut. Mais hors de question de perdre les mômes, en cette deuxième heure. Il va falloir trouver quelque chose.

Fermer les poules.

C’est au début de l’extrait du texte que j’ai choisi pour illustrer que la famille, quand même, ça craint, des fois. Madame Lepic exige que ses enfants aillent « fermer les poules ».

Et ça laisse tout le monde perplexe. Ceux qui ne savent pas lire comme ceux à qui l’expression, clairement identifiée comme telle, échappe. « Évidemment, l’idée n’est pas que les poules ont une petite porte dont on sort les œufs le matin. » Gamins de la ville et encore bon public, ils se marrent un petit peu. Et on dépiaute l’expression. Ce qu’elle explique, ce qu’elle implique. Dans une poignée de mots, inattendus, tout le monde y trouve son compte. Je respire, un peu apaisé. J’ai réussi à ne pas en laisser sur le bord de la route. Pas maintenant, pas dès le début.

Et les ayant tous vus, ayant enfin pris la mesure de ce qui attend, je vais pouvoir réfléchir, adapter. « Individualiser. » Avec les trois bouts de ficelles dont je dispose, tenter de marcher avec tout le monde, sans voir quiconque sombrer dans les ténèbres.