Jeudi 25 mai

Je ne sais pas que raconter aujourd’hui.
Ça n’est pas qu’il ne s’est rien passé, bien au contraire. Sept heures de cours, une d’atelier, des pauses raccourcies par des conversations avec des élèves. Toute l’énergie que l’on est capable de mobiliser qui s’est dispersée dans une constellation de cours, de textes parcourus, de visages de mômes et de collègues, d’émotions.
Celle que l’on ressent quand on voit les élèves de sixièmes changer de posture pour lire plusieurs pages du livre qu’on étudie en ce moment. Ceux qui s’assoient en tailleurs, ceux qui s’adossent au mur, qui posent le front sur la table, le livre sur les genoux… Je n’y pense pas souvent, à ce que subissent ces petits corps, vissés sur leurs chaises en bois. Oui, “on est tous passés par là”. Justement. Immense question muette.
Émotion quand Olivia, pour la première fois, parvient à lire, lire vraiment, un bouquin. Elle adore, elle adore vraiment les aventures de Bidochet le petit ogre. On me l’avait offert quand je m’étais cassé la jambe, il m’avait énormément réconforté. Elle rit, du plaisir de comprendre et des blagues qui parsèment le récit.
Émotion, plus légère cette fois, lorsque Léo réussit l’exploit de faire s’écrouler sur lui une tente qu’il fouillait à la recherche d’un étrange cristal. Juste avant qu’un truand se mette à tirer sur le petit groupe dans la forêt. (On a fait du jeu de rôle avec les quatrièmes).
Émotion quand les quatrièmes abordent sans encombre sur l’île des esclaves. Marivaux n’est pas de taille à leur poser des problèmes désormais. Ils ont tellement progressé. Leur intelligence fait d’eux des géants. Ils méritent tellement de réussir.
Et mille moments comme ceux-ci. Minuscules, risibles, immenses.
Dont on sort comme les personnages de ces contes qui découvrent un palais merveilleux où ils passent quelques jours, et dont ils ressortent âgés de plusieurs dizaines d’années. Des journées qui, par la force qu’elles nécessitent et ce qu’elles nous collent dans la figure, tracent de nouvelles rides, lacèrent nos fatigues. On est allé au bout du monde.
Quel métier, quand même…