Dimanche 17 septembre

Et le dimanche, on s’évade !

Dans la ville de Juban, des forces sombres cherchent à s’emparer de la psyché des habitants. Présences extra-terrestres ou réincarnations de créatures ténébreuses… Heureusement, les Sailor Senshi, guerrières du cosmos, veillent ! Enfin, quand elles n’ont pas une interro, ne sont pas en train de s’engueuler ou de se demander où passer leurs vacances.

On ne présente plus Sailor Moon, célébrissime pendant féminin de Dragon Ball. Le lectorat ici présent pourra par contre à bon droit se demander ce qui peut pousser un type de quarante berges à regarder une série “pour filles”.

Alors oui, Sailor Moon est un anime qui a vieilli, rempli jusqu’au trognon d’épisode “fillers” (destinés à occuper le quota, quelle que soit l’intrigue) et au goût parfois discutable.

Mais un animé ne devient pas un classique pour rien. Il y a dans Sailor Moon quelque chose d’assez unique qui est, paradoxalement, un refus des conventions. Si les héroïnes parviennent à vaincre les brouettes d’aliens vénères qui tombent en pluie sur la ville, c’est du fait de leur unicité, voir même de leurs bizarrerie, plus qu’au pouvoir de l’union et de l’amitié : Usagi, l’héroïne, passe son temps à pigner, mais cette empathie lui permet de fédérer. Ami, Sailor Mercure, est une introvertie amoureuse des études, ce qui n’est jamais présenté comme un sujet de honte ou de moquerie mais comme un atout indéniable. Et ainsi de suite. Sailor Moon est une série éminemment bienveillante, dont les méchants sont rarement au-delà de toute rédemption… Et où les hommes ne prennent jamais le dessus. Si l’amour d’Usagi pour son homme masqué adoré est l’un des fils rouges de l’intrigue, il n’est pas l’alpha et l’omega de l’anime, le justicier en smoking devenant très fréquemment une force antagoniste.

Comme l’oeuvre dont elle est la mère, Utena, Sailor Moon propose à ses héroïnes de se contempler à travers des reflets en négatif. Les adversaires sont dans leur très grande majorité des perversions de ce qu’elles pourraient devenir, en abandonnant leur intégrité. Le jeu des couleurs, portées comme des blasons par les personnages, n’est pas (qu’)un argument marketing : il est aussi un voyage à travers les facettes qu’explore une adolescente – ou un adolescent – dans cette période éminemment instable, à l’issue de laquelle il deviendra, espère l’animé, une version exalté de lui-même, aux qualité épanouies.

Lundi 11 septembre

(Image issue de l’animé Sailor Moon)

L’autre jour, en regardant Sailor Moon, je pensais au métier d’enseignant et la suspension d’incrédulité. Mais qu’est-ce que c’est donc que cette bête-là ?

Quand on lit, regarde, éprouve une œuvre de fiction, il arrive régulièrement un moment de suspension d’incrédulité : cela consiste à accepter un événement ou une information peu logique ou incohérente, parce que ça rend l’histoire possible.

Il y a, dans Sailor Moon, que je regarde en ce moment, une très poétique suspension d’incrédulité : les héroïnes se transforment en justicières pour combattre leurs adversaires.

La transformation physique est très très légère : un costume et quelques bijoux. Pourtant, leur entourage est dans l’incapacité de les reconnaître. Et ça m’a rapidement semblé logique.

Parce que lorsqu’elle se transforme, Sailor Moon n’est plus vraiment Usagi, son identité habituelle. Elle est une version exaltée d’elle-même. Ses défauts s’adoucissent, ses qualités s’affirment. Elle est, faute de meilleur terme, elle en mieux. On peut dès lors accepter que ses proches soient éblouis.

Ça me parle parce que j’essaye, dans la mesure du possible, d’être Sailor Prof.

Non pas que je porte très bien la jupe de marin ou la tiare, mais je pense que c’est ce que j’aspire à être, dans une salle de classe : moi en un peu mieux. Parce que, quelque part, c’est plus facile, devant des élèves, dans le cadre d’un cours. Je me sais plus patient, (un peu) moins foutraque. Plus gentil aussi. Je me dis que ça explique également l’ambivalence que je ressens par rapport à ce métier. Ses conditions d’exercices sont de plus en plus compliquées, bombardées du feu des critiques et du mal-être tellement, tellement justifié, de bon nombre de collègues. Pourtant, il ne se passe plus un jour, après toutes ces années où je me suis senti tellement incompétent, où je ne me dise pas que cette journée a valu le coup. Même si l’épisode était plein de rebondissements, de longueurs et de plans réutilisés de la saison précédente. À la fin, le thème musical de l’optimisme rigolo retentit presque toujours. Et si je redeviens, comme Usagi-Sailor Moon, ce personnage maladroit et autocentré, je sais qu’il existe, juste à ma portée, une partie de moi capable de bien faire.

Et c’est précieux.