
C’est un miracle annoncé.
Lundi, les troisièmes Max se sont métamorphosés en une classe idéale pour préparer le procès fictif de Martin Schulse et Max Eisenstein, les protagonistes d’ “Inconnu à cette adresse”.
Ce matin, ils jouent le procès en question.
Lundi, ils étaient une classe idéale.
Aujourd’hui, ils sont un groupe. Comme je n’en n’avais pas vu depuis très, très longtemps en troisième. Depuis mon arrivée à Ylisse.
Ou peut-être même avant. Criméa. Une autre vie, un autre moi.
Tous les mômes travaillent en harmonie. Tournés vers un seul et même objectif. Cela a commencé dès qu’Oulan, la juge, est entrée, et qu’ils se sont spontanément levés. Je regarde le banc des jurés, le visage concentré, prenant des notes et se glissant de temps à autres un mot à l’oreille. Je vois Anya, la volcanique, se déplacer avec un port de danseuse tandis qu’elle parcourt les lignes de sa plaidoirie. Un minuscule papier entre les doigts, qu’elle abandonne immédiatement. Sans perdre la structure de son discours.
Le pas lent, et régulier Futch arpente la classe. Ce môme insupportable impose les règles du procès, sanctionne avec régularité et impartialité. Deux tentatives de rébellion à son autorité éclatent, il les règle avec un calme dont je suis souvent incapable.
Les troisièmes Max sont ce matin d’une beauté à couper le souffle. Sous prétexte d’ensuite faire le bilan, je prends plusieurs photos. À l’examen, elles révèlent presque toutes des visages le menton très légèrement relevé. Comme des archers. Tous les regards, les esprits sont tendus. Tous à l’unisson vers ce moment là.
J’ai le nez. Les yeux qui piquent.
Fin de la séance trop, bien trop vite. “Vous voyez, leur dis-je à la sonnerie, le temps et les efforts qu’il a fallu pour préparer cette heure qui a été tellement belle ?
– Et c’est toujours comme ça, monsieur, faut tellement travailler pour arriver à de beaux résultats.
– Oui. Mais vous ne trouvez pas que ça vaut le coup ?
– J’avoue.”