Jeudi 30 juin

En cet avant-dernier billet de la saison, que diriez-vous d’une histoire d’aventure ? De dangers ? Et surtout d’administration ? Non, restez là, je vous promets, ça va être bien ! Et sans vous faire attendre davantage, je vous propose de découvrir la fantastique histoire de Monsieur Samovar et les corrections du bac !

Acte 1 :
Tout commence alors que j’ouvre ma boîte mail, un petit matin de début juin. Alors que je profite de l’ambiance tellement années 90 de l’interface, je découvre un message de sinistre augure, intitulé “Convocation Session Examen”.
Frémissant davantage de crainte que d’anticipation, j’ouvre l’envoi, et ne suis pas déçu : il s’avère que, même si j’enseigne actuellement en collège, je suis appelé à faire passer les oraux du bac de français ET à en corriger les écrits. Pour la première fois de ma vie. Alors que j’aurai encore cours à ce moment là. Cela est probablement dû au fait que j’ai exercé mon premier trimestre en lycée, ce qui m’a fait apparaître, telle Vénus sortant de l’onde (mais chauve) sur les listes de correcteurs potentiels du rectorat.
En petit soldat loyal de l’Éducation Nationale, je décide de faire les choses dans les règles et de signaler mon départ prochain pour le Payyyyyys des Copiiiiiies à ma principale, d’autant que je vais quand même laisser quatre classes en plan, classes qui ont déjà loupé près de trois mois de cours de français.
La réponse de la principale ne se fait pas attendre et, l’éthique et la peur de perdre mon boulot m’empêchant de retranscrire ce qui est écrit dans sa réponse, je vous remplace le verbatim par un morceau du groupe de metal Carcass, ce qui devrait vous donner une idée de l’ambiance générale du mail. À savoir qu’elle n’est pas super contente.

Acte 2 :
J’ignore à quelle sorcellerie noire a recouru ma chef d’établissement mais, quelques jours plus tard, je reçois un nouveau courrier m’expliquant que je ne suis plus du tout obligé de faire passer aucun oral que ce soit, non non non, mais qu’éventuellement, est-ce que je pourrais, peut-être, corriger les écrits ? Beau joueur, curieux, et aussi content de ne pas avoir à me cogner les corrections de brevet, je ne m’y oppose pas. Sur ma convocation, il est inscrit que le boulot commence le 30 juin, sous forme dématérialisée. Il y a bien une réunion pour préciser tout ça, mais j’ai cours ce jour-là et n’y suis pas convoqué. Ça n’est sans doute pas important, qu’est-ce qui pourrait mal se passer ? Ah ah ah !

Ah ah.

Ah.

Acte 3 :
Nous sommes le 30 juin et j’attends, tel le principal de Sunnydale qu’un nouveau lycéen disparaisse, que mes copies dématérialisées apparaissent sur mon écran d’ordinateur, via le site idoine. 13h58. 13h59. 14h.
Rien. Que dalle.
En attendant, je vais tailler une bavette avec mon ami J-R. Qui m’explique que, dans son académie, les collègues ont déjà fini de corriger le bac de français. Léger malaise. Je décide donc d’appeler le rectorat de mon académie. Les étoiles sont alignées et quelqu’un décroche. Bon, il me faut quatre interlocutrices pour arriver là où je souhaiter me rendre, mais on ne va pas se plaindre.
“Oui bonjour ! Ici Monsieur Samovar, et je corrige le bac pour la première fois. C’est bizarre, je n’ai pas eu mes copies.
– Et vous ne vous en inquiétez que maintenant ?
– Le qui ça de quoi ça ?
– Ça fait un moment qu’elles ont été remises.”
La pratique de la course à pied est tout ce qui empêche mon cœur de s’évader par ma gorge à ce moment-là. Et je me retrouve à chevroter comme un élève de cinquième surpris à tricher.
“Mais la convocation elle disait aujourd’huiiiiiii !
– Mais vous n’êtes pas allé à la réunion de coordination ?
– J’étais pas convoqué, j’avais cooooours !
– Bon, attendez, je regarde… Désolé, mon ordinateur rame…”

Et il rame en effet, à tel point que je me demande si les personnels de l’académie ont le droit à autre chose que des TO7 pour bosser.

“C’est bizarre, votre nom n’apparaît pas.
– Gueujeugueuh.
– Oui, je trouve aussi. Bon, ben mon responsable va vous appeler, au revoir !”

Silence. Je me sens comme un mélange d’Astérix devant retrouver le laisser passer A38 et Jinkx Monsoon à un défi de couture.

Je suis en train de finir d’avaler le deuxième accoudoir de mon fauteuil lorsque le téléphone sonne :

“Oui, ici Monsieur le Chef des Corrections d’Examens ! Vous pouvez m’appeler Monsieur Le Chef des Correct pour aller plus vite. Alors en fait, vous allez rire, mais vous n’êtes que suppléant correcteur ! On s’est dit, avec votre cheffe qui fait peur, votre charge de travail, c’était mieux… On aurait peut-être dû vous prévenir… Donc restez sur le qui-vive, on vous envoie quelques copies. Ou pas.”

Je me retrouve donc comme un idiot, le téléphone encore fumant à la main, Tartelette-le-lapin m’observant avec perplexité, encore une fois bolossé par les admirables méandres de l’administration de l’Éducation Nationale…

(NB : je signale à nouveau que toutes les personnes avec qui j’ai parlé ont été hyper compétentes, je blâme infiniment plus l’organisation de ces corrections que qui que ce soit d’autre dans cette affaire !)

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