Jeudi 1er septembre

Depuis que je me suis bêtement dis que j’aimerais bien, désormais, enseigner à des élèves un peu plus âgé, le sort s’est ingénié à me refourguer les élèves les plus jeunes possibles : je suis à nouveau, cette année, professeur de sixièmes. Et pas seulement professeur de français : la fonction de professeur principal m’est également échu.
Je me retrouve donc, en cette matinée grisouillante, à accueillir les vingt-quatre pokémons qui constitueront l’effectif de la Sixième Laporeille, et qui posent sur le collège, les adultes, et le monde en particulier, un regard à la fois terrifié et émerveillé.
Je ne devrais pas le dire, mais j’adore les sixièmes : parce que ça en met partout, que ça se prend les pieds dans les cartables, dans le vouvoiement qu’il faut désormais adresser aux adultes, dans les cases de l’emploi du temps. C’est crevant mais j’y trouve un réconfort que je ne m’explique pas.
Ce qui est beaucoup moins réconfortant, en revanche, c’est de les assommer, comme à chaque rentrée, sous un déluge administratif qui me donnerait, à presque quarante ans, envie de m’évader par la fenêtre au bout de dix-huit minutes. Je tente donc de rendre le truc plus digeste en y intégrant la visite du collège – on dirait qu’ils découvrent la tombe de Toutankhamon – un questionnaire que j’espère un peu rigolo sur ce qu’ils ont compris du collège et un ou deux petits jeux d’oral. Mais forcément, les paupières finissent par s’alourdir quelque part entre le formulaire sur la demi-pension et le coupon d’inscription à devoirs faits. J’en suis moi-même à étouffer poliment quelques bâillements.
Heureusement, je retrouve les mêmes mômes l’après-midi et on commence véritablement les cours. À ce stade ce sont encore des silhouettes. Des esquisses. Mais qui commencent déjà à se matérialiser. Les façons de sourire, de vouloir prendre la parole ou de se mettre en retrait. Le matériel, rangé au carré dans le sac à dos ou fourré à la va-vite. Le langage.
Partir à la rencontre de ces personnes. Ça reste un sacré privilège.