Jeudi 22 septembre

Il est temps pour les Sixièmes Laporeille de se prendre leur première engueulade de la part de leur professeur principal. Ma pomme, donc. Trois semaines de cours et, de matière en matière, ça se disperse. Devoirs non faits, bazar dans les couloirs, matériel de plus en plus souvent oublié.
Je ne suis pas amateur de ces grosses colères où l’on arrose toute la classe – en général, je préfère cibler – mais il y a une sorte de mythologie bizarre autour de ces orages. À un moment où à un autre, il faut y sacrifier. Je me prépare donc à les gronder comme, ce matin, je me suis préparé à évaluer à l’oral les quatrièmes. En préparant bien le déroulement de l’activité, en essayant d’y donner du sens.
Les sixièmes entrent en classe. Je me tiens plus raide qu’à l’accoutumée et leur souhaite la bienvenue sans aucun autre commentaire.
Et puis j’attaque. Comme je l’ai déjà dit mille fois ici, je suis nul pour crier. Il me faut donc plutôt jouer sur la corde du contraste. Plus de Monsieur Samovar enjoué, mobile et souriant. Je me tiens en statue de glace derrière mon bureau, et leur énumère, le plus lapidairement possible, les reproches. Tout en constatant leurs réactions. Il y a ceux qui attendaient ça, qui le vivent presque comme un moment légendaire. Les plus apeurés, qu’il faudra aller voir par la suite. Ceux qui se marrent. Aller les voir aussi, se demander pourquoi.
Peut-être qu’en agissant, je perpétue une dynamique pas forcément saine. Ou peut-être que j’immortalise les grandes traditions. Mais le fait est qu’une fois ma soufflante épuisée, et quelques paroles échangées avec certains élèves, nous nous mettons enfin à travailler dans une ambiance bizarrement sereine.
J’ai beau avoir à cœur de ne pas m’enfoncer dans des habitudes, des routines, il existe, parfois, des passages obligés, que chacun aborde comme il ou elle peut. Cette engueulade en faisait partie.
Prof sur scène…