Mercredi 5 octobre

“Il est comme son frère.”

“Tu fais comme ton frère, toi.”

“Monsieur, vous connaissez mon frère ?”

Jeremiah est le sosie d’un élève à qui j’ai enseigné à Grigny. Lui aussi, il était pénible. Lui aussi, il avait un sourire qui donnait envie de se marrer. Comme quand je lui ai fait jeter son chewing-gum, à Jeremiah, et que lorsque je me suis retourné, il mâchonnait encore.

“Alors, pardon pour le niveau de langue, mais vous vous foutez de moi, là, en fait ?
– Monsieur, comment ça se dit trop pas !”

Jeremiah essaye, très fort, de ressembler à son grand frère qui, apparemment, fait déjà craquer ses profs en ce début octobre.

Et évidemment, parce que je suis un égocentrique narcissique affublé d’un grotesque sentiment de supériorité, je suis immédiatement entré dans la phase où j’ai décidé de le sauver. Je le contrains à bosser, en en faisant mon assistant. Correcteur d’exercices (il a appris où se trouvent les accents sur le clavier, car il faut vidéoprojeter), préposé à l’appel en début de cours, davantage sollicité que les autres pour les compte-rendus de lecture… Le tout sans la moindre agressivité.

Il y a 85% de chances pour que ça foire. Je viens d’arriver, je connais à peine le môme et il semble déjà déterminé à choisir son chemin. À brailler dans le couloir qu’il connaît les dealers du village d’Alrest.
Mais il continue à sourire, comme les mômes de Grigny, quand il entre en classe. Ceux qu’on ne lâchait pas, avec Monsieur Vivi et tous les autres.

Ceux qui, parfois, s’en sortaient.

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