Lundi 17 octobre

Sur les quatre élèves de la sixième Togepi ne maîtrisant pas complètement le français, Nimue est celle qui s’en sort le mieux. Sa syntaxe brinquebale encore les accords entre verbes et sujets, les masculins et les féminins valsent, mais elle progresse de jour en jour.
Durant ce cours, ils rédigent le compte-rendu de leur voyage scolaire. Épreuve compliquée pour les uns et les autres : selon leurs compétences, j’ai demandé à certain de rédiger plusieurs pages, à d’autres de se confronter à l’accord des adjectifs… Et à Nimue de ne pas oublier une composante essentiel de ses phrases. Ce à quoi elle s’applique depuis le début de l’heure.
“Monsieur ? Comment tu dis… Euh pardon vous dites… "Les profs ils nous ont mis dans les chambres ?” Vous savez ? Quand vous avez fait des groupes ?
– Ah ! Répartir.
– Répartir ?“
Elle galère à aligner les trois r rapprochés, se met à rire en le répétant.
"Répartir. Je connais pas. C’est quoi ?”
Je place plusieurs objets devant elle, que je distribue à ses voisins.
“Je répartis les objets.
– Ah. C’est comme partager.
– Voilà.”
Je lui écris le mot au tableau, elle le recopie plusieurs fois. Je me dis que c’est presque dommage, qu’il y aurait d’autres mots plus communs dont elle aurait besoin. Mais ça n’est pas du tout dommage en fait. Elle a acquis le mot qu’il lui fallait au moment où elle en avait besoin. Son français grandit un peu comme un collégien, d’un coup, sans qu’on s’y attende. Aujourd’hui, c’est répartir. Et moi, égoïstement, je me sens bien. Parce que j’ai pu lui apporter ce mot.
Donner les mots qu’il faut.
C’est chouette.