Mercredi 26 octobre

Non, les enseignants ne seront jamais contents.

Je pourrai clôturer là ce billet et profiter de ma soirée, mais développons un peu. Un cliché qui revient souvent sur la profession de prof, mi-hargneux mi-rigolard, est le suivant : “D’accord vous gueulez contre le ministre de l’Éducation, mais est-ce qu’il y en a déjà eu un qui a trouvé grâce à vos yeux ?”

La réponse, en toute honnêteté, est non. Je n’ai pas le souvenir d’un seul ministre qui n’ait pas été contesté.

Mais le constat posé, quelle conclusion en tirer ?

Première hypothèse, devenir enseignant déclenche dans la cervelle la production d’une hormone du mécontentement permanent. Ça ferait un chouette film de science-fiction, mais ce ne serait pas très réaliste.

Seconde possibilité, il n’est tout simplement pas possible d’emporter le consensus, quand on est la tête de ce grand foutoir qu’est l’Éducation Nationale.

Nous sommes tout simplement trop nombreux. Nos situations sont trop multiples, les élèves dont nous nous occupons trop différents. Depuis que j’enseigne, je me suis vu passer par des dispositifs pédagogiques que j’aurai pointé du doigt en hurlant de rire quelques années plus tôt. Pour la simple et bonne raison qu’ils n’auraient jamais convenu avec les élèves que j’avais en charge (et aussi que j’aime bien me moquer).

Certes, mais notre voix doit-elle passer par la contestation ? Je pense que oui. Parce que cette contestation, ces “profs jamais contents” sont les garants que jamais l’école ne se fige. Parce qu’il est là, le problème de presque toutes celles et de tous ceux qui se sont retrouvé au sommet de notre pyramide hiérarchique : cette volonté d’unifier. De faire fonctionner le système éducatif sur un modèle qui lui semble le meilleur. Plus de savoirs fondamentaux, d’autonomie des établissements, moins de postes, plus de services civiques…

La réalité est que cette partie de la société est trop complexe pour être gérée d’un seul point de vue. Parce que le monde de l’éducation est la société à échelle réduite. Dans laquelle les mômes se préparent à intégrer la société véritable. Une société avec ses règles et ses contradictions, une société de 800000 adultes et plusieurs millions d’élèves.

C’est notre plus grande faiblesse : je pense qu’il nous sera toujours extrêmement difficile de parler d’une seule fois. C’est notre force : nous sommes un mouvement qui jamais ne s’arrête. Nous sommes la vie dans tout ce qu’elle a de fabuleux et de désespérant.
Et oui. La plupart d’entre nous, enseignants, tentons d’impulser à cette “société d’entraînement” un peu plus d’optimisme et d’humanité que celle qui attend nos élèves. Je pense qu’il est difficile d’éduquer si on n’espère pas que ceux qui nous sont confiés feront mieux que nous. C’est un pari gigantesque. Et un pari pareil, ça fait du bruit. Ça parle d’une voix discordante.

Mais ça avance.

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