Samedi 5 novembre

Message d’élève. Il est paumé, il ne sait pas comment se retrouver dans le livre dont je lui avais donné un bout à lire pendant les vacances. Après quelques échanges par mail, je finis par comprendre : il n’a pas compris le concept de chapitre.
Dans ce genre de situation, il y a toujours deux personnes en moi : celle qui mord la table en se disant que c’est bon, l’humanité est foutue et que l’on peut passer à autre chose (par exemple des tapirs télépathes) et une autre qui a ma tête de quand j’avais huit ans. Mes parents m’ont acheté une figurine en pastique. Un personnage de She-ra ou GI Joe, je ne sais plus trop. Un méchant en tout cas.
“Maman, ils se sont trompés sur la boîte. Ils ont écrit "ennemi” au lieu de “et demi”.“
Ma mère a dans le regard une perplexité dont la concentration ferait honte à un maître zen et je comprends que j’ai sorti une énormité.
Le fait est que je n’ai jamais vu le mot "ennemi” écrit, ou que je ne l’ai même jamais beaucoup employé. Il y a, dans mon vocabulaire (tout narcissisme bu, assez fourni pour mon âge) un trou béant, tout simplement parce que la situation ne s’est jamais présentée.
Ça a beau être naïf, c’est devenu un rappel salutaire. Non pas l’anecdote, mais le sentiment de vide, cette impression fugace de m’être senti totalement stupide l’espace d’un instant. Même si ma mère m’a expliqué le mot juste après.
Donc je rédige un mail. Je ne cherche pas à comprendre pour le moment comment il est arrivé en cinquième en passant au travers du concept de la table des matières. On en parlera lundi.