Lundi 7 novembre

Nous sommes entrés dans la saison de la contestation.

C’est peut-être un invariable du collège, ou quelque chose que je provoque par mon comportement, mais le retour des vacances de la Toussaint met systématiquement face à des élèves qui, d’une façon ou d’une autre, se mettent en révolte.

Oh, pas – souvent – de grandes explosions ou de volontés de renversement du régime, hein ! Seulement, on sent des envies. De traiter les adultes avec davantage de familiarité. D’écorner un peu son image de marque. De montrer qu’on n’a pas peur, en vrai, des profs.

Avant, j’avais envie de rabrouer les mômes, de leur dire que des rebelles dans leur genre, j’en avais déjà vu, et des plus impressionnants. Désormais, j’observe avec intérêt et, je dois l’avouer, un peu de nervosité. “Il faut que jeunesse se passe.” L’axiome n’est pas si débile qu’il en a l’air. Oui, c’est aussi une exploration qui doit se faire. Jusqu’où mon pouvoir de dire non est-il légitime et pourquoi ? Mais cette contestation peut aussi abîmer. Parce qu’elle enivre. Et qu’elle ouvre, étrangement, les portes de l’apathie. On finit par se révolter parce que ça permet, tout simplement, de ne plus faire d’effort. “C’est facile, de dire non.” dit ce vieux boomer de Créon à Antigone, et il n’a pas tort. Pas toujours Antigone, c’est vrai. Mais souvent. Souvent c’est facile de refuser.

Refuser de se confronter à la difficulté, parce que comme ça on n’a pas à avoir peur d’échouer, refuser de reconnaître que ceux qui ne sont pas de notre groupe ont à nous apporter, parce que ça évite de se confronter à la complexité du monde. Refuser pour se créer un monde qui nous convient, où le dissensus n’existe pas.

La saison de la contestation est une danse entre les épines. Dites non, les mômes. Opposez-vous. Mais dans cette danse, acceptez aussi qu’on ne fasse pas de surplace. La génération d’après a tort, c’est entendu. Je ne serai pas de ceux qui sauveront le monde, ce sera peut-être – je le souhaite – vous. Mais pour cela, écoutez. Si ce n’est vos profs, au moins les infinis dont ils peuvent vous entrebâiller les portes.

Et croyez-moi, si vous devenez parfois de petites machines à refuser, nous sommes, nous, de grosses machines à résister.

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