Mercredi 9 novembre

“Vous savez, me dit cette mère d’élève lors d’un rendez-vous avec sa fille, je pense que les enfants auraient les mêmes notes quel que soit le professeur, c’est le système qui est comme ça.”

Pour mes quarante ans, j’ai décidé de ne plus me créer d’ulcères quand un propos me heurte avec la subtilité d’un trente-huit tonnes. À la place, je tente d’explorer le monde qu’on me présente. Je pense tenir dans cette zénitude environ dix jours, mais ce sera toujours ça de pris.

Admettons. Admettons que les enseignants n’aient pas de prise sur les résultats des élèves. Que tout soit décidé ailleurs. Par les programmes, la sociologie du lieu, “le système”.

Le plus sereinement possible, je me demande si cette possibilité me ferait du mal. Pour eux, pour les élèves, oui, sans doute. Ce jansénisme scolaire a quelque chose de profondément déprimant.

Mais pour moi ? Est-ce que j’aurais encore un rôle à jouer, si ce monde était réel ? Si l’est ?

La réponse m’apparaît avec une rare clarté. Bien sûr que oui. Parce que même si j’étais impuissant à changer leurs résultats, incapable de bouger le curseur de la scolarité, il me resterait le regard. Et le goût. Cet espoir, encore plus ténu que leurs résultats scolaire, de leur donner d’autres façons de percevoir les mots, le langage, le monde qui les entoure. Cette certitude qui ne repose sur rien que c’est sans doute là que les choses se jouent. Leur donner les outils de la pensée, qui ne se traduisent pas toujours en meilleurs résultats.

Si l’année dernière a été très difficile professionnellement, c’est parce que j’ai eu la sensation que je n’apportais pas le moindre changement à la façon dont les élèves percevaient les textes que l’on étudiait, les époques que l’on visitait.

Alors je sais, c’est ténu. C’est peu argumenté. Et pourtant, ça me tient. Et ça me fait sourire paisiblement à cette maman d’élève.

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