Samedi 19 octobre

“Ne projette pas.”
Quand tu es prof, c’est difficile. De ne pas projeter ses attentes, ses craintes, ses préjugés sur ses élèves, je veux dire. Parce qu’une grande partie de son temps, on le passe à être une personne de référence. Quant à sa matière ou à l’institution qu’on représente. Donc notre parole a un certain poids, même avec les mômes en plus en rébellion avec le système.
Mais – et je sais que ce sera un choc pour certains – nous n’en restons pas moins des êtres humains avec nos névroses et nos incertitudes. Et punaise “Névroses et incertitudes”, ça pourrait être le titre de mon autobiographie. Et je flippe encore plus, à l’idée que les scories de mon langage fasse passer toutes ces angoisses et ces faiblesses à des mômes qui, mine de rien, représentent la prochaine génération.
Alors respirer.
Tenter de reformuler ces expressions qui me viennent si facilement à la bouche : “Bon, ça va être compliqué mais…” “J’ai bien peur que…” “Rooooh, ne faites pas les bébés !” Comme je m’applique à employer le moins possible “chose”, “machin” ou “truc”, prendre soin de son discours.
Je m’attendais à une torture. Ça a été un voyage. À me demander d’où viennent ces précautions oratoires excessives, comment et pourquoi les préjugés affleurent encore. Ne pas être trop sévère avec soi-même. Mais rigoureux, pour les classes, les élèves.
Si je pouvais contribuer à leur transmettre un langage plus lumineux.