Lundi 21 novembre

Je continue à apprendre sur les élèves en situation de handicap. Anarchiquement, pas assez. C’est l’affaire d’une année, probablement plus, où l’on ne s’occuperait que de ça, dans sa carrière. Formations, écoute des concerné.es, littérature spécialisée. Probablement.

Et cette année, probablement parce que mes classes sont bien moins nombreuses qu’à l’accoutumée, je constate chez chacun et chacune d’eux, cet étrange dédoublement. Celui qui, avec l’aide de son AESH, est capable d’analyser plus finement que tous ses camarades réunis un texte d’Hésiode. Et qui, sans médiation – il a juste besoin que l’on reformule – se retrouve derrière un mur infranchissable. La première de cette classe. Qui, lorsque sa fatigue physique la rattrape, n’est plus la même humainement.

L’inclusion en France – championnat du monde de l’euphémisme – est imparfaite. Et elle fragmente les élèves, les place face à l’arbitraire : est-ce que ce sera une heure où ils disposeront d’un.e auxiliaire pour travailler dans de bonnes conditions ou devront-ils faire avec, seuls, en espérant que leur prof ait eu le temps, l’énergie, et le réflexe d’anticiper ? Est-ce qu’enfin, la demande effectuée sera passée à travers tous les rouages administratifs pour obtenir un ordinateur, du matériel adapté, ou seront-ils réduits au fait que la société ne s’adapte pas encore assez ?

Ces élèves en fragments, dont on tente de discerner la vérité. Je comprends à quel point ma position est enviable, par rapport à la leur. Dans une version du mythe de Pandore, l’espoir s’envole pour arranger les choses, une fois les malheurs enfuis de leur boîte.

Dans une autre, il reste enfermé dans son amphore.

Ça change tout. Ça n’est plus le même mythe, plus la même façon de voir le monde. B. a expliqué ça aux autres élèves, on le regardait avec admiration, C., son AESH, et moi.

Ça devrait toujours être ainsi.

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