Lundi 28 novembre

Ce manuel scolaire me fait détester tout le monde. Et les élèves en particulier.
Comme plein de profs, j’ai une collection impressionnante de manuels, que des éditeurs bien intentionné et à la recherche de clients potientiels nous font parvenir. C’est pratique, c’est plein de textes souvent chouettes, et d’exercices de grammaire que je n’ai ainsi pas à fabriquer parce que, soyons honnêtes, créer des exos de grammaire m’intéresse à peu près autant que savoir régurgiter des homards entiers (sauras-tu trouver cette références ?)
Mais ce soir, je suis fatigué et amer. Ce soir, je regarde ce cours tout propre, bien rangé sur l’Odyssée. Et je me dis que j’aimerais avoir des classes où on pourrait faire ledit cours tel quel.
Des classes où je n’aurais pas à résumer les textes parce que, pour certains, cette lecture est trop complexe.
Des classes où je n’aurais pas à préparer des activités autour de l’époque, de l’auteur, du contexte parce que les mômes l’auraient déjà.
Des classes où ils maîtriseraient les acquis nécessaires pour comprendre les questions, ce que l’on attend d’eux.
C’est pas propre mais je m’autorise, en feuilletant ce bouquins, à l’amertume. À me dire que le niveau baisse, qu’avec ces gamins, que veux-tu qu’on fasse, qu’à mon époque, ç’aurait été possible, mais là, bien sûr que non. C’est encore plus dégueulasse, mais je me dis que ça me saoule de préparer quatre versions d’une pauvre dictée de dix lignes, de prendre 4 élèves sur une heure de perm pour leur réexpliquer le cours.
Ça me saoule de faire mon boulot en vrai. Mon boulot tel qu’il est, pas tel que ce livre le représente.
Mais bien sûr que ça me saoule. Parce que je contemple, dans ces pages, c’est une version théorique. Parce que je ne suis pas devant les mômes. Parce que je réfléchis à l’immensité de ce que nous devons faire, à l’énergie que ça représente. Et ça ne sert à rien. C’est pester contre la réalité de ce que sont nos classes, et la réalité s’en tape.
“If you go against réalité, réalité will crush you and continue az if not’ing happened.” a un jour dit un personnage de jeu vidéo en ces termes. Et c’est vrai. La réalité est que nous enseignons dans des conditions impossibles à des élèves infiniment complexes. C’est la réalité et c’est beau. Aussi. Et pendant qu’on se bat pour que ces conditions impossibles deviennent plus viables, pour les enfants comme les adultes, continuer à donner. Ce n’est ni beau ni triste.
C’est comme ça.
“The fuel in my fire won’t run dry,
It burns bright.”