Mardi 6 décembre

Depuis le début de l’année, tu m’envoies des signes. Un secret plane en toi. Dans tes rédactions, dans tes tournures de phrases. J’ignore si c’est voulu ou pas. Connaissant ta vivacité d’esprit, je serai tenté de penser que si. Mais j’apprends petit à petit à me méfier de mes biais.

Il y a pas mal de phrases que tu commences et ne finis pas. Beaucoup de phrases qui commencent par « Moi » ou « Je ». Pronoms que tu utilises peu le reste du temps. Il y a pas mal de moments où tu attends près du bureau. Et tu finis par partir après avoir lancé une banalité.

« S’il y a quelque chose que vous voulez dire, n’hésitez surtout pas. »

Tu m’as regardé un brin perplexe. J’ai eu envie de rentrer sous terre.

Et depuis, je me demande ce que je dois faire. Si je dois m’ouvrir à des collègues, dont c’est la profession, de trouver la bonne posture, les bonnes aides pour des élèves « qui se cherchent » comme on dit pudiquement. Est-ce qu’on ne se cherche pas tous ? Je crains de briser ce lien, cette idée de lien, que tu sembles avoir envie de tisser avec ton professeur. Je me dis aussi qu’à mon âge, ça m’aurait fait du bien de me sentir entouré. De ne pas rester seul avec ma peur au ventre dès la cinquième : celle qui me soufflait que ça allait être encore plus compliqué que prévu, cette histoire d’adolescence. Mais est-ce que le secret est bien là ? Où est-ce que je ne vois pas le monde avec cet élève que j’ai été, qui n’a peut-être rien à voir avec toi ?

En attendant – pas trop longtemps, va bien falloir que je décide une fois pour toutes – je tente de partager avec toi ce qu’il est professionnellement possible. Le manga de L’appel de Cthulhu. La poésie d’Emily Dickinson.

Histoire d’apaiser un peu les mots enfouis.

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