Mardi 27 décembre

C’est un fantasme qui revient souvent, tant dans la communauté éducative qu’en dehors depuis que je la fréquente : un enseignement standardisé. Un ensemble de méthodes que les enseignants appliquerait. La fin des inégalités, le même enseignement pour tous, que ce soit un collège du cinquième arrondissement parisien (bisous aux parisiens) à un établissement situé au fin-fond de la Mayenne (bisous aux mayennais).

C’est un fantasme. Donc non seulement inaccessible mais également néfaste. Pour tout ce que je lui reproche, le ministère de l’Éducation Nationale a plus ou moins compris comment présenter ses programmes – qui eux sont souvent sujets à caution – à ses agents : un ensemble prescriptif mais dont les modalités sont laissées à notre jugement.

Et ce jugement est essentiel. Je le répéterai autant de fois que nécessaire : jamais une méthode ne conviendra à l’ensemble, ou même à la moitié des enseignants. Les notions à transmettre, les compétences à faire acquérir n’ont aucune existence propre : elles n’existent que dans leur rapport vivant entre les élèves, leur développement intellectuel du moment, et les enseignants. Lorsque je vais observer des collègues en cours, ce ne sera pas le déroulé du cours que je vais noter : ce sont leurs stratégies, leur façon de présenter les activités, d’interagir avec les mômes. Et je sais que certaines choses seront applicables, d’autres pas : parce que je n’ai pas la même érudition sur tel sujet, parce que mes classes sont plus introverties, que certains élèves sont en avances ou en retrait par rapport à ce qui est demandé…

Si les commentaires faits de l’extérieur sur les méthodes d’enseignement peuvent nous sembler tomber à côté, ce n’est pas – que – parce que nous sommes prétentieux et narcissiques : c’est que l’enseignement est infiniment fluide. Infiniment insaisissable. Nous le refaçonnons chaque année en fonction de nos élèves. Nous sommes, pour reprendre la chanson, professeurs en incertitude.

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