Vendredi 30 décembre

Il y a aussi ces moments où je vous vois.
Vous les parents d’élèves.
Et mine de rien, vous êtes l’une des énigmes que j’ai le plus de mal à résoudre, dans ce métier. Parce que vous êtes fragments. Vous êtes trois lignes écrites dans un carnet de correspondance – ça existe encore dans certains bahuts – ou des messages sur Pronote. Je pratique les réseaux sociaux, je sais à quel point ça ne veut rien dire.
Vous êtes ces visages que j’aperçois en rencontre parents-profs. Et à chaque fois je suis surpris. C’est comme lorsque j’entends d’abord la voix de quelqu’un, je me goure toujours sur son physique. Là c’est pareil : je serai bien en peine de vous reconnaître à partir de vos enfants.
Vous êtes essentiels et pourtant si loin. C’était étrange, pendant le confinement. On vous appelait deux fois la semaine – le collège où j’étais, toujours maximaliste – et on finissait par discuter. Pourtant je n’ai jamais eu l’impression que ça modifiait vraiment la compréhension que j’ai de vos enfants. Des élèves. Vous êtes une étrange abstraction et pourtant on ne peut plus concrets, vos vies aux leurs entremêlées. Et elles, et eux, à brinquebaler, d’une réalité à l’autre : le bahut, leur maison. D’un adulte à l’autre. Quel étrange chant tissons-nous, à ne pas nous entendre ?