Mardi 17 janvier

Pour la première fois de l’année, je me retrouve en situation de blocage avec un môme.
Lino m’a certifié hier que, ce travail d’écriture, il le ferait seul. Il aurait pu choisir un binôme, il a refusé, comme plusieurs autres sixièmes. Et ce matin :

“En fait je vais me mettre avec eux.”

Eux lèvent un regard un brin perplexe sur moi. D’habitude, ces deux-là ont du mal à se mettre en activité mais, sur cette tâche, ils sont au taquet.

“Ça ne fonctionne pas comme ça, Lino. Je vous ai expliqué les règles, vous aviez le choix, c’est vous qui avez décidé.
– Ouais mais ça va, j’ai pas d’idée, et vous voulez pas que je fasse des recherches sur internet.
– Je ne veux pas que vous alliez sur le site de Fortnite, nuance.
– Je me mets avec eux.”

Quand on lui refuse quelque chose, Lino se ferme totalement, regarde par terre, et ne bouge absolument plus. Il y a quelque chose de presque violent dans son refus, qui m’amène à me demander si quelque chose de plus profond n’est pas enfoui.

Et me fait me demander aussi si je ne ferai pas mieux de lâcher.

Ça m’arrive parfois, quand je me retrouve en conflit avec un élève. Cette sensation de me décorporer. Et j’observe. J’observe ce mec de quarante ans qui se prend la tête avec un presque petit bout. Est-ce que je l’éduque ou est-ce que je suis juste fumasse qu’un bonhomme de onze ans me tienne tête ? Au nom de ma sacro-sainte autorité ? Souvent, l’expérience est déplaisante. C’est facile, tellement facile d’abuser de son pouvoir. Sans le vouloir.

Pourtant cette fois, je ne ressens pas vraiment de malaise. Les règles étaient claires. L’aide maintes fois proposée. La main, je l’ai tendue plus d’une fois à Lino. Il y a peut-être juste ma voix, un peu trop tendue. Je redescends, dans mon corps et dans les octaves.

“Non Lino. Vous avez décidé de travailler seul. Et votre idée d’hier était bien.
– Mais je dois aller chercher sur internet…
– Deux minutes. Pendant deux minutes je vais m’occuper du groupe d’Ivana. Quand je reviens, vous éteignez l’ordinateur et vous allez faire votre brouillon.”

Cette fois il y aura une fin heureuse, il reviendra, ravi, à sa place. Me rendra un brouillon d’une page solide et propre. Cette fois j’ai bien fait de ne pas céder. Quand reculer, quand rester à sa place. Sans leur faire de mal. Question permanente.

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