Vendredi 20 janvier

Cours de grammaire bien velu sur la phrase complexe ce matin. Les sixièmes écarquillent un peu les yeux, dodelinent de la tête. Dans ce genre de moments, il y en aura toujours qui vont rester sur le bord de la route. Comment pourrait-il en être autrement ? Yuwen ne sait toujours pas lire et ne dispose toujours pas d’une aide adéquate, Raura semble avoir heurté un mur dans son apprentissage du français… Et plusieurs autres, pour tout un tas de raisons.
Je déroule mon cours, tente de le rendre le plus accessible possible, et ne cesse de les observer. Prendre des notes mentales, en permanence. Préparer une activité sur mesure pour celui-là, qui ne suit plus, penser à aller voir celle-ci, qui écarquille les yeux pendant que je continue à expliquer. Je pense qu’une immense partie de la charge mentale du métier d’enseignant vient de là : on ne cesse de les observer. Repérer ceux qui trébuchent, réajuster un fil de la prochaine séance en s’apercevant que d’autres, au contraire, ont compris plus vite que prévu. Le cours comme un canevas vivant que l’on doit prendre et reprendre, sans cesse. Pour que personne ne reste sur le bord du chemin.
C’est ce qui me prend le plus d’énergie, en cette année où la discipline n’est vraiment pas un problème. Et j’ai conscience que c’est un privilège, que de pouvoir se consacrer entièrement et totalement à la grande toile de mon enseignement. Ça n’en reste pas moins complexe.