Samedi 28 janvier

D’après les collègues, pour certains élèves, je vais passer le permis de conduire (ils ont entendu que j’étais absent parce que je passais un examen) et pour d’autres, je participe à une émission télé du meilleur professeur (ils ont entendu que j’étais absent parce que je passais un concours).

Quand j’ai commencé dans le métier, cette distorsion de compréhension m’affligeait. Je plaçais ce souci du côté de l’intelligence. Désormais, j’ai davantage tendance à dire que nous ne vivons pas dans le même monde. Les références. C’est l’une de nos tâches les plus importantes au collège : permettre au môme de prendre du recul sur leur monde intime pour prendre en compte celui qui les entoure. Et ça implique un mouvement de la part du prof comme de la part des élèves. Quand nous disons “qu’il n’y a pas de question idiote”, c’est vrai : les mômes de Grigny, ceux de Loué, et ceux d’Alrest, où j’enseigne actuellement, n’ont absolument pas les mêmes préoccupations, la même appréhension de la réalité qu’un adulte de quarante berges. Et, sans vouloir être moralisateur, parce que je l’ai fais trop souvent moi aussi, se foutre de leurs incongruités, c’est leur dire qu’une partie du monde leur est fermée. Qu’ils ont à se limiter à leur compréhension de la réalité.

Alors parfois oui : la bizarrerie de leurs interrogations me fait sourire. Mieux, elle me donne de l’énergie, autant qu’elle m’en prend à leur répondre. Échange équivalent. Mais c’est une part essentielle du boulot.

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