Mercredi 8 février

Ça n’est pas la première fois, tu sais. Pas la première fois qu’un élève vient me voir pour me dire qui il est. Je m’en suis un peu voulu – pas qu’un peu – de ressentir cette fierté débile qu’un élève “se confie” à moi, me demande quelque chose “d’important”, alors que tout ce que tu me demandes, c’est le respect minimum dû à tout être humain. Celui d’être accepté pour qui il ou elle est.
Et plutôt que de me rengorger béatement, j’aurais sans doute dû te demander si ça n’a pas été trop difficile. Parce que je les voyais, tes flèches, bien entendu. Les pronoms dans les rédactions. Les personnages au club de jeu de rôle. Les vêtements. Le visage tourmenté aussi. Je suis heureux, tellement heureux que tu aies des amis qui t’ont épaulé, soutenu, défendu. Je suis heureux, tellement heureux que tu le sois aussi, depuis quelques jours.
Je sais que tout est encore loin d’être réglé. Et que nous vivons dans un monde où la moindre différence peut être une écharde, une braise, une balle. Tu as encore un chemin à parcourir, et je tremble à l’idée des embûches qui se dresseront sans doute sur ton passage. Mais pour l’instant, puisses-tu célébrer la personne que tu es. Puisses-tu garder ce sourire que tu as eu mardi en m’en parlant. Puisses-tu garder cette bande de potes qui me donne un immense espoir en l’avenir.
Prends soin de toi, toi qui m’a dit ton nom.