Vendredi 24 février

On m’a posé cinq fois la question pendant les vacances, c’est énorme : “Tu n’es pas découragé ?”
Découragé par ce boulot, par les obstacles, par les difficultés rencontrées par les mômes. Découragé par tout ce qui se dresse entre nous et ce qu’on nous demande. Enseigner.
Non. Je ne suis pas découragé. Je ne suis pas découragé parce que, et c’est de notoriété publique, je suis stupide. Je ne parviens pas à mettre bout à bout les pièces de ce qui constituerait probablement un effroyable puzzle. Chaque soir, les vagues des conversations, des révisions, des copies, de la lecture engloutissent tout ce qui s’est passé dans la journée. Chaque matin, je redécouvre les mômes. Et ce que j’ai à faire avec eux. L’usure s’est érodée dans le sommeil.
Alors ça ne va pas sans son lot d’inconvénients. Je ne suis pas efficace dans mes préparations de cours. Je suis très mauvais dans les luttes pour la défense des métiers de l’éducation, parce que je manque effroyablement de recul.
Mais cet oubli me préserve. Les coups et les désillusions heurtent mais ne marquent jamais. Et les mômes sont toujours aussi étonnants.
Drôle de bénédiction.