Mercredi 1er mars

Jusque là, Nadia m’a toujours semblé petite. Elle fait partie de ce élèves qui tentent d’occuper le moins d’espace possible. Un filet de voix, et une posture totalement recroquevillée dans la salle de classe. Nadia ne souriait pas. Et chacune de nos interactions semblait la gêner profondément.
“Pourquoi tu parles jamais, Nadia ?”
Question récurrente chez ses camarades. Il y en a souvent, des élèves comme elle. Pour qui le contact humain semble douloureux, pour qui ce doit être difficile, de passer sept heures par jour entouré de gens. Alors on essaye, doucement de les faire aller vers…
“Mais si ! Ça se moque du texte sur Eve et le fruit défendu ! On l’avait vu en même temps que la boîte de Pandore !”
Je ne suis pas le seul à rouler des yeux. En cette rentrée scolaire, tout le monde observe Nadia, bouche bée. Nadia qui semble avoir gagné dix centimètres et qui ne laisse plus personne en placer une. À commencer par son prof.
“C’est.. exactement ça.
– Donc Le roman de Renart, c’est fait pour se moquer de ce qui était très sérieux avant, c’est ça ?
– … Bon, je pense que je vais laisser Nadia faire le cours, elle a tout compris.”
La môme me regarde, perplexe.
“J’aurais pas dû dire ça ?
– Si, c’est parfait. Je suis content de voir que le cours vous intéresse à ce point.
– Bah oui, c’est toujours comme ça !”
Il paraît que les ados oublient souvent leurs douleurs musculaires de croissance.
Parfois, c’est aussi le cas mentalement. Et c’est génial.