Mercredi 22 mars

Je déteste, je déteste la théorie du mal nécessaire. Dit comme ça, ça fait classe. Mais au quotidien, ça me fait surtout passer pour un type doté de sensiblerie, qui traite ses élèves comme s’ils étaient constitués de cristal, d’ego masculin, ou de toute autre matière hyper fragile.

Ça n’est pas mon intention, pourtant. Juste une conviction que, pour former des mômes adaptés, il n’est pas nécessaire de les faire souffrir. “C’est bien, ils s’endurcissent.” ai-je souvent entendu lorsqu’ils y a des engueulades, des lâchetés, des bagarres. Oui. Et ils apprennent à faire preuve de moins d’empathie. À fermer les yeux devant de petites injustices et de petites souffrances. Alors je tente d’intervenir. Pas pour minimiser ou consoler, forcément. Mais pour mettre des mots. Tenter de les faire réfléchir à ce qui les pousse à agir comme ça et pas autrement.

Et c’est compliqué.

Compliqué de ne pas donner trop d’importances à ce que l’on appelle, dans mon collège “des histoires”. Des trucs de mômes, quoi. Mais ces “histoires” sont comme le reste de chaque bahut : un modèle réduit des interactions qu’ils auront plus tard, en tant qu’adultes, ces élèves. Et je me trouve face à une aporie : ne pas intervenir à tort et à travers, parce que ce serait inefficace, ne pas laisser passer des comportements où, déjà, on sent l’indifférence, l’égoïsme ou la colère se mettre en place.

Je suppose que des parents doivent bien rigoler en lisant ça. Ils doivent faire face aux même dilemmes quand ils choisissent l’éducation de leur môme. Mais je ne parviens pas à prendre une décision sereine : leur laisser prendre les codes d’un monde fracassé pour qu’ils s’y fondent, ou donner à une poignée de gosses, l’envie de le changer, au risque qu’ils se brisent en le faisant ?

Moi je voulais juste leur faire lire des beaux textes.

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