Lundi 27 mars

Les cinquièmes se détestent. Je ne comprends pas totalement pourquoi, mais dans cette classe, c’est la guerre de chacun contre tous. Ils se piquent leurs affaires, se moquent, se vannent méchamment. Les deux seuls à ne pas s’embrouiller sont Judy et Luis, qui sortent ensemble, mais n’osent pas le montrer histoire de ne pas être vannés (spoiler : tout le monde est au courant).

Aujourd’hui, début de travail d’écriture longue. Sujet : l’univers médiéval. Ils doivent les uns et les autres raconter le parcours d’un personnage qu’ils ont crée : chevalier, herboriste, troubadour ou musicienne… Je leur ai permis de se placer où ils le souhaitaient dans la classe : l’espace dont je dispose permet qu’ils se tournent tous le dos ou presque.

“Hé Jodah ! Il s’appelle comment ton héros ?
– Pourquoi ?
– Je vais le tuer dans mon histoire.”

On a tout essayé et C., leur géniale prof principale, est découragée. Cette cinquième devient “la classe compliquée”. Ils semblent vouloir s’approprier ce titre, cette gloire, celle de classe désagréable, qui refuse de montrer ses côtés lumineux aux adultes.

Et en plus leurs histoires sont nulles.

Et ils le savent très bien. “Non mais aller, ça saoule. Mettez-moi un zéro tout de suite, ce sera fait.”

Les cinquièmes ont envie que ça se passe mal. Alors respirer. Aller les voir, les uns après les autres – ils sont peux, c’est possible – et aller tirer le tout petit fil coloré qui ressort de leur phrase de cinq lignes sans ponctuation qui constitue, selon eux, l’intégralité de leur rédaction.

“Pourquoi vous parlez d’un château à Marseille ?
– Bah je sais pas, j’y vais en vacances.
– Vous savez qu’il y avait souvent des épidémies de peste, là-bas, au Moyen-Age. Avec des pustules qui explosaient des furoncles… (toujours en faire trop).
– Ahah, dégueulasse !
– Il pourrait y avoir une épidémie de peste.
– Pour de vrai ?
– Ben oui, c’est super original, comme idée, que ça se passe à Marseille, autant en profiter !”

Demander à celui-ci pourquoi il a évoqué un métier à tisser, à celle-là pourquoi elle parle d’un combat à la lance plutôt qu’à l’épée…

Et en engueuler deux comme du poisson pourri parce qu’ils se sont vannés une fois de trop.

“Mais vous dites qu’on a de bonnes idées et après vous nous grondez !
– Ça n’empêche pas.
– On travaille, pourquoi vous nous laissez pas rigoler un peu.
– Parce que ça n’est pas rigolo, parce que vous valez mieux que ça.”

Ils lèvent les yeux au ciel, ils ne veulent pas comprendre. Qu’importe. Continuer à y croire pour eux jusqu’à ce qu’ils y croient enfin.

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