Jeudi 30 mars

Je ressors des derniers cours de cinquième avec les batteries quasi à plat. Rédaction longue sur le genre médiéval. Un début, un milieu, une fin. Un contexte cohérent, au moins trois personnages, et de la chevalerie à plein tubes.
En fait, qu’il s’agisse de fine amor ou de quoi que ce soit d’autre, je m’en moque. Le but, avec ces cinquièmes, est qu’il ne fasse pas ça pour s’en débarrasser. Comme à chaque fois avec eux, à peine ai-je lancé l’activité que j’entends un “j’ai fini !”
“Mais… Ça n’est pas une histoire, ça, Gremio.
– Ben si.
– Non. Il y a trois phrases, elles sont incompréhensibles.
– Ouais non mais c’est bon, j’ai fini, c’est pas grave si j’ai 2/20, hein, c’est trop long !”
La feuille sur laquelle il a griffonné est très moche. Des lettres qui forment à peine des mots s’entrechoquent. Je réprime mon envie de chiffonner le machin et plisse les yeux.
“Votre héros est un cuisinier ?
– Ouais, pourquoi ?
– C’est intéressant, ça, pourquoi cette profession ?
– Bah (ils disent tout le temps bah, quand je les exaspère) je sais pas.
– Pourtant vous dites que son père est un seigneur. Il ne devrait pas avoir cette position.
– Mais je m’en f…
– Non non, c’est intéressant ! Comment est-ce qu’il est arrivé là ? Ça pourrait être ça, votre histoire !”
Toute l’heure, intégralement, se passe ainsi. Trouver dans chaque chaos de sylo bic un fil à tirer, pour leur montrer que ce qu’ils ont écrit suscite de l’intérêt. Défroisser, fibre à fibre, le papier, de chaque môme ou presque, individuellement.
“C’est très intéressant, ce personnage de vieille femme, là.
– Non, mais c’était juste pour rire…
– Elle pourrait être une alliée de l’héroïne.”
Une heure à plonger dans des imaginations encore chancelantes. Une heure à leur montrer que leurs mots valent la peine d’être retranscrits.
C’est crevant.