Vendredi 7 avril

Fanny est en quatrième. Fanny aimerait devenir avocate, s’occupe d’un petit bouc chez elle, et aime aider ses camarades de classes.
Fanny est d’une maturité folle sur certains points, moins sur d’autres.
Mais émotionnellement et affectivement, Fanny est arrivée au bout de ce que le collège peut lui apporter. Elle comprend qu’elle doit bosser pour elle et pas pour faire plaisir, est capable de passer par-dessus ses impulsions, accepte de parfois s’ennuyer.
Et Fanny commence à se sentir à l’étroit. Elle se détache peu à peu de ses camarades. Non qu’elle soit moins agréable avec eux, ou moins motivée. Mais lorsque, dans le bus de la sortie scolaire, ils commencent à chanter “Fanny aime Erwan, Fanny aime Erwan !” elle lève sur eux et les enseignants un regard totalement désemparé. Elle recherche le contact avec les adultes, avant de s’en aller, comme si elle craignait de nous lasser.
Fanny sait qui elle veut être, aimerait pouvoir l’explorer.
J’hésite à lui dire qu’au lycée, ça ira mieux. Parce que le lycée, c’est dans un an et demi, autant dire une vie. J’hésite à lui dire de se rapprocher d’Enoch, qui est dans la même situation, parce que recommander des fréquentations à quelqu’un, ça ne fonctionne pas.
Alors je tente de lui faire comprendre que c’est elle qui a raison. Qu’elle est légitime, même si en minorité. Fanny me croit, elle croit ce que lui racontent les adultes.
Mais l’attente est longue, et l’horizon bien plat, pour ceux dont les ailes sont déjà tissées.