Mardi 18 avril

La classe de sixième dont je suis prof principal est géniale. Alchimie de classe qui prend bien, gamins motivés, contexte favorable, j’ignore ce qu’il en est mais le fait est là : c’est une classe qui bosse dans un climat agréable, qui a confiance en les adultes, qui est heureuse.
Un seul problème : la ségrégation entre les filles et les garçons.
Il n’y a rien à faire, deux groupes se sont formés et ne parviennent pas à s’entendre. À tel point que le jour où ils écrivent des petits mots à une camarade qui a déménagé en début d’année, je distribue deux grandes feuilles. Tous les garçons écrivent sur l’une et les filles sur l’autre. Nous en avons discuté, nous avons débattu. Ils ne s’en cachent pas. Pas une once d’agressivité : mais ça ne les intéresse pas de fréquenter l’autre genre. Les petites astuces pour les faire collaborer ou les groupes parfois imposés n’y changent rien.
L’heure suivante, ma deuxième classe de sixième : un nuage de chaos attachant et confus. Des mômes qui partent dans tous les sens, galèrent au niveau des résultats scolaires, mais pour qui la mixité va de soi.
Autant de petits mystères incompréhensibles. J’ai commencé par me sentir vexé : Monsieur Samovar, le prof pour qui inclusivité est un maître mot, incapable de faire coopérer sa classe.
Et puis j’ai atterri. Ce sont des mômes. Il faut continuer à leur parler. À les encourager. Mais que ça ne devienne pas une souffrance ou une tension. Il sera temps que cela arrive. Ne pas forcer, pas pour ça. Laisser les choses se dénouer, même quand elles nous atteignent, dans les valeurs que l’on s’est construites. Même si c’est long et compliqué.