Dimanche 23 avril

En 2009, la société PlatinumGames sort le premier volet de la licence Bayonetta, dont le troisième vient de sortir aujourd’hui.
Le jeu – excellent au demeurant, dans son genre, à savoir l’action survitaminée – deviendra instantanément un classique du fait de son héroïne, et personnage éponyme de la série, la sorcière Bayonetta. Une sorte de caricature de caricature de fantasme de femme forte. Bayonetta est une sorcière à la plastique absurde passant son temps à se battre contre les forces surnaturelles à l’aide de tout ce qui lui passe sous la main, pistolets, épées, fouets, tronçonneuses ou portes d’églises (oui). Le tout entre deux bons mots.
Pour moi, Bayonetta – le personnage – était une immense blague. Une sorte de pied-de-nez adressé aux fantasmes de pas mal de joueurs, et même si certains de ses aspects me semblaient sujets à caution, je passais de bons moments en compagnie de cet avatar. Les trois premiers volets de la série lui construisaient une histoire, histoire qui prenait bien soin de ne pas empiéter sur le côté survitaminé de l’action, à l’exception peut-être de la très belle histoire de sororité avec sa sœur d’arme, Jeanne. (Tous les amateurs de la série Daria vous diront qu’une héroïne a besoin d’une Jeanne).
C’est pourquoi j’ai pas mal sourcillé – je n’ai pas dû être le seul – lors de l’annonce d’un quatrième volet, sobrement intitulé Bayonetta Origins : Cereza and the lost demon.
Tout dans ce jeu semble prendre la licence à rebrousse-poil : exit l’action frénétique, on se trouve dans un jeu d’aventure, à contrôler non pas une magicienne sexy, mais celle qu’elle était dans mon enfance, une apprentie sorcière craintive et maladroite. Qui un jour, suite à un appel reçu en rêve, se perdra dans la forêt d’Avalon. L’excursion pourrait tourner au drame, si Cereza – nom originel de Bayonetta – ne rencontrait Cheshire (rebaptisé Chouchou en français) un démon qui, suite à une erreur d’incantation, se retrouve piégé dans la peluche de la fillette, et du même coup lié à elle. Le duo se retrouve contraint de collaborer, elle en quête de pouvoir lui permettant de sauver sa mère, lui espérant pouvoir retourner de l’enfer d’où il provient.
Bayonetta Origins est beau. Très beau, tant graphiquement qu’au niveau de la bande-son. Si j’ai d’abord craint un design “à la Tim Burton”, comme il est facile d’en pondre à la chaîne, quelques heures à explorer Avalon révèlent rapidement que le jeu possède sa propre patte graphique, dont le côté enfantin n’est pas pour autant superficiel ou gnan gnan. La narration, qui s’effectue sous la forme de pages à tourner, avec des doubleuses de qualité, fonctionne parfaitement pour le support.
Quand au jeu en lui même, il s’avère étonnamment bien dosé dans sa difficulté. Cereza et Chouchou doivent user de leurs talents respectifs pour progresser, entre énigmes et combats. C’est là que l’innovation intervient : chaque personnage est contrôlé par une manette de la switch. Si l’idée est excellente, mon manque de coordination a rendu l’expérience compliquée, je persistais à vouloir faire bouger le personnage à gauche de l’écran avec la manette de gauche, même quand ce n’était pas celle qui lui était attribuée. Ce problème mis à part, le jeu est étonnamment fouillé, tout en restant accessible.
Et c’est ce qui fait son culot : clairement, PlatinumGames ne s’adresse pas qu’aux amateurs de la licence. Si, peu à peu, on retrouve quelques éléments des jeux précédents (la mise en scène des combats, quelques thèmes musicaux, la personnalité de Bayonetta qui émerge chez Cereza), on a affaire à une aventure qui ne cherche pas à les flatter à tout prix, et qui s’adresse à n’importe quel joueur désireux de tenter l’expérience, confirmé ou néophyte.
Il me faut conclure sur l’aspect lui plus étonnant du jeu : son histoire qui, d’un petit conte mignonnet, devient peu à peu un récit touchant et beau, tout en conservant une belle humilité. Et surtout, Bayonetta Origins parvient, très délicatement, à changer notre sorcière super-héroïne en vrai personnage de fiction. Ses comportements surjoués trouvent ici leur raison, ainsi que nombre de ses postures ou de ses tics de langage. Bref, ce joli jeu d’aventure rend un immense service à Bayonetta : elle n’est plus une blague. Et même si l’ambiance sera toute autre, le livre de contes virtuel refermé, l’envie de la retrouver adulte est forte.
Cereza and the lost demon fait du bien. Parce que son parti pris est culotté, qu’il ne se contente pas d’être une déclinaison pour mômes des aventures de Bayonetta, et qu’il m’a scotché à ma manette dans cette exploration de la forêt d’Avalon, se concluant sur un secret qui donne une toute autre saveur à la fin de Bayonetta 3.
Alors oui : se perdre avec l’apprentie sorcière et sa peluche peut être un beau service à se rendre.