Vendredi 12 mai

Et d’un coup, il articule.

Je voulais absolument qu’Idriss joue le rôle de Rodrigue. C’est idiot, mais dans ma tête, il ressemble tellement à ce qu’est un jeune noble bolossé par son père que c’en est ridicule. Le visage encore un poil enfantin, mais les yeux presque dans l’âge adulte, les cheveux ébouriffés de celui qui pourra bientôt se jeter dans l’aventure, la maladresse de celui qui ne les a pas encore vécues.

Il ne parvenait juste pas à prononcer le texte. Avalait les consonnes, ressortait approximativement les voyelles.

Jusqu’à aujourd’hui.

Il n’a pas révisé son texte plus que d’habitude – il s’en vante – mais les mots sont mieux formés. Quelque chose commence à se former, dans les syllabes et l’intonation. Et la silhouette de Rodrigue apparaît. Ce projet fou a enfin sens. Ils sont tous là, ou presque. Un Comte blasé et ironique, une Donna Diègue ombrageuse, un Rodrigue fougueux… Dans les voix et les gestes de ces mômes de quatrième qui m’ont fait confiance. Je suis hyper ému.

Mais je ne le leur dis pas. Je le leur dirais à la fin du jeu, quand ils auront gagné.

Laisser un commentaire