Vendredi 2 juin

“On peut pas garder la même classe ?”

Les sixièmes se regardent, inquiets. Je les regarde, inquiet (mais je le cache, super pouvoir de prof principal).

C’est l’une des dernières heures de Vie de Classe et je les sens désorientés. Ils ont gagné. Toute l’année, cette poignée de môme est restée digne d’éloges. Ils sont absolument tous restés enthousiastes, polis et bienveillants. Tant les uns avec les autres qu’avec les adultes.

Bien sûr il y a eu des hauts et des bas. Ils ont déconné, comme tous les enfants, comme tous les êtres humains. Et on a discuté, patiemment. Ça donne cette classe. Vingt-trois petits êtres aux niveaux scolaires variés mais tellement gentils.

Une gentillesse qui a de la force.

Milla a pleuré en regardant Belle, mais défendra toujours ses copains si l’on s’en prend à eux. Luke est déjà hyper fort en baseball, intimidant sur le terrain, mais ne voit pas où est le souci à pleurer. Sur leur groupe snapchat (oui, on n’a rien pu faire), ils s’envoient leurs devoirs et se demandent comment empêcher le harcèlement scolaire.

Ils ne sont pas naïfs : ils savent que ça n’est pas forcément le cas partout. Mais ils se sont épanouis dans ce monde de valeurs et d’intégrités.
Et ils se demandent pourquoi, alors qu’ils ont fait tout ce que l’on attendait d’eux, qu’ils ont suivi les recommandations que je leur transmettais durant les premières heures passées avec eux, on va les séparer.

“Je suis pas pote-pote avec Ignacio par exemple, lance Olivia, mais j’ai confiance en lui.”

Alors je fais ce que j’ai tenté de faire toute l’année : leur dire la vérité.

Je tente de leur expliquer que le collège est un lieu de sociabilisation, dans lequel il est important de fréquenter toutes sortes de personnes. Que vivre dans la nostalgie, c’est humain, mais c’est toxique, quand ça n’est pas contrebalancé par l’envie de connaître de nouvelles choses.

Comme souvent avant mes grandes tirades de philosophe de comptoir, je commence mes phrases par “Ça n’est pas grave si vous ne comprenez pas tout, juste, écoutez.”

Mais ils comprennent. Ces êtres prodigieux, ils comprennent tellement.

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