Vendredi 16 juin

Aujourd’hui, les quatrièmes ont organisé un immense goûter de fête dans la salle où nous avions cours. Sur la table, il y avait un planning écrit à la main. Des cases cochés au stylo violet, où on savait qui apportait quoi.

Ils ont écouté de la musique, discuté avec les collègues et moi. J’ai eu des cadeaux.

Avant ça, les sixièmes dont je suis prof principal m’avaient écrit les plus jolis des petits mots, sur une grand feuille cartonnée “parce que vous faites partie de la classe”.

Après ça, l’intendant du collège m’a aidé à porter dans la voiture une caisse remplie de livres et d’objets dont j’ai, cette année, rempli ma classe.

Ça m’a rendu heureux. Très heureux.

Et puis j’ai eu honte.

J’ai eu honte de faire ce métier pour ça. Pour éprouver de la gratitude, pour que les élèves me trouvent chouette. C’est vain. Il y a des idéaux plus élevés.

Et après je me suis mis à rire. Tout seul dans ma voiture, avec Nine Inch Nails qui jouait. Je me suis mis à rire parce que des fois, je me complique la vie pour rien.

Tu as le droit d’être prof pour ça aussi. Tu as le droit, à la fin de l’année, et tous les autres jours, de ne pas te torturer. Ce métier, comme tant d’autres, plus que tant d’autres, est un nœud de contradictions, de difficulté, de souffrances. Ce métier brûle les yeux, les doigts, le cœur.

Alors tu as le droit de trouver tes victoires où tu le souhaites.

Je pense cette profession que j’aime si fort en négatif : ne fais pas cours pour qu’on t’aime, ne fais pas cours pour tester des trucs sur tes élèves, ne fais pas cours en révolte contre ton ministère, ne fais pas cours en suivant les recommandations de ton ministère, ne fais pas cours déprimé, euphorique, indifférent…

Stop.

Fais ce que tu peux. Tout ce que tu peux, honnêtement. Mais fais ce que tu peux.

Et donne-toi le droit d’être heureux.

Parce que ce qu’ils ont fait pour toi, les sixièmes et les quatrièmes, c’était beau.

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