Mercredi 13 septembre

Mon grand-père et moi n’avions pas grand-chose en commun.
Ça a dû lui faire bizarre de voir ce gamin binoclard et introverti se transformer en une créature à tatouages qui lui parlait de spectacles bizarres et de son copain.
Je me suis installé en Bretagne il y a trois ans, et je l’ai vu plus régulièrement. Quelques heures confortables et un peu gênées. À chercher de quoi parler. À se demander ce qu’on avait en commun, probablement. Alors que c’était évident.
Nous descendons dans les sous-sol de son immeuble, il a besoin que je l’aide à trouver je ne sais plus quoi dans sa cave. Les couloirs sont tortueux et sombres. Un peu plus tôt, je lui ai parlé de ce que je faisais avec mes élèves. Il se retourne vers moi avec un sourire malicieux. C’est la dernière fois où je le verrai sourire comme ça. Mais évidemment, je ne le sais pas. On vit sans cesse des derniers instants incognito.
“Et Phèdre au labyrinthe avec vous descendue
Se serait avec vous retrouvée ou perdue.”
Il se les répète souvent, ces vers, me dit-il. Les derniers jours, il se récitait du Baudelaire, parce qu’il ne parvenait plus à lire. Son sanctuaire de mots, d’auteurs, de femmes héroïques.
En commun.