Mardi 26 septembre

Je déteste le syndrome de l’imposteur. Le syndrome de l’imposteur, c’est – pour moi, et pour moi exclusivement – cette vieille couverture sale, qui m’a entravé et tenu chaud bien trop longtemps.

Parce qu’il y avait quelque chose de confortable, dans cette petite voix qui chuchote en permanence à l’oreille que ce que l’on propose aux élèves n’est pas assez bien. Ou superficielle. Ou regarde ce que fait cette collègue, c’est tellement mieux, à cause de toi, les mômes ils apprennent de la merde et ils vont tout rater. Le confort, c’était que ce syndrome me servait d’éthique : au moins, comme ça, je ne risquais pas de finir comme une outre bouffie de prétention. J’avais remplacé la morale par le fait de me sentir nul.
Et puis, en bon narcissique, c’était pratique, ce syndrome. « Ne t’en fais pas. » « Tu es un bon prof. » « Ces doutes prouvent que tu es sur la bonne voie. »

Aujourd’hui, les premières Herbizarre jettent à bas le chiffon odorant dans lequel je me suis longtemps drapé. Il faut dire que je l’ai bien cherché. « N’hésitez pas à apporter la contradiction », que j’ai lancé, bravache.

Bons élèves, ils ont obéi.

Je leur fais étudier la méthode du commentaire. Ils m’opposent celle qu’ils ont étudié l’année dernière. Qui, dans mon schéma mental, est automatiquement meilleure, parce que venant de quelqu’un d’autre. Et là, je suis coincé. Je suis coincé parce que je ne peux décemment pas sortir à vingt-quatre élèves « Ah ben en fait, ce que je vous explique depuis deux heures est totalement nul. »

En un dixième de secondes, qui dure des heures – approprié, sur une étude de Jean-Luc Lagarce – j’observe la pertinence de ce que je leur ai proposé. Et il faut être objectif : c’est bien. C’est plus complexe mais plus solide que le modèle que l’on me propose en face. J’ai bossé, bon sang, je ne sors pas ce cours de mon chapeau.

« Cette méthode est intéressante. Peut-être plus simple à organiser. Ce que je vous propose est plus complet. Si vous avez le temps, tentez les deux. »

C’est ce que tout enseignant normal dirait. J’ai failli crever en prononçant la phrase. Et j’inspire un bon coup. C’est terminé. Désormais, si je continue à douter, si je remets mon boulot en question, ce sera pour être meilleur enseignant. Parce que je ne peux plus me permettre ce cinéma devant des jeunes gens qui n’ont pas d’autre choix que de me faire confiance pour les amener au bout de l’année. Parce que je leur dois, et je me dois aussi, d’être une meilleure personne. Est-ce que ce sera aussi facile que ça ? Non, probablement pas. Bien sûr qu’il va y avoir des rechutes et des échecs.

Mais aujourd’hui, une poignée d’élèves m’a mis face à l’un de mes démons. Ça pique. C’est important.

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