Lundi 9 octobre

« Pourquoi j’ai eu cette note ? »

Il n’y a pas vraiment d’agressivité dans la voix de Lelio. Mais une note qui me fait tourner la tête malgré tout. La note en question n’est pas basse en tant que telle (6/10). Pourtant, les yeux de l’élève brillent d’une lueur de reproche. Je repense à ce que l’on m’a dit quand je suis arrivé au lycée Keves. Sur les élèves contestataires. Ça m’enquiquinerait beaucoup que Lelio fasse partie de ces créatures que l’on m’a décrit, pesant le moindre quart de point. Parce que c’est un chouette ado. Il participe, essaye des trucs, et bosse énormément.

Bosse énormément.

« C’est toujours pareil, tu fous rien et tu réussis. »

Ce chuchotement exaspéré est adressé à son voisin, Alec. Un grand type sportif, modèle « mec populaire du lycée », cochant toutes les cases.

« Ah. Je vois, vous avez l’impression d’avoir plus bossé qu’Alec ?
– Il aurait fallu qu’il bosse, pour ça, monsieur. »

L’autre se marre. Sans mépris, plutôt un rire d’approbation. Et tout me semble évident. Les archétypes se remettent en place. Alec sera celui à qui tout réussit sans souci. Et pour Lelio, la persona du mec besogneux, qui y parvient à force de boulot. Visiblement, c’est déjà le rôle qui leur collait à la peau l’année dernière, me racontent deux de leurs copines à la pause. Jeu de rôles pas super agréable, pour celui qui a hérité du second violon.

« C’est juste une copie, c’est pas vous. Et c’est la première de l’année. »

Pour le moment, je ne peux pas lui offrir davantage que ces évidences, à Lelio. Ça et pas une once de pitié. Juste tenter de transmettre toute la certitude que ça n’est pas du théâtre. Pas de rôle déterminé à la distribution.

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