
Dans le premier volume de Dune, de Frank Herbert, le personnage de Gurney Halleck observe Liet-Kynes, le planétologue impérial. Et a cette expression que je traîne depuis que j’ai posé mes yeux dessus, il y a vingt-huit ans : « ses phrases n’ont pas de frange ».
Expression qui me semble d’autant plus juste depuis que j’enseigne au lycée. Je suis quelqu’un de très désorganisé, c’est de notoriété publique. Et c’est aussi le cas sous mon crâne. Les mots sortent souvent n’importe comment lors de mes cours. Je digresse, me reprend, recommence. Depuis mon arrivée au lycée, c’est quelque chose qui me terrorise et que je tente de combattre. Par honnêteté : je passe mon temps à expliquer aux élèves que les copies les plus impressionnantes sont les plus claires et les plus simples d’apparence. Celles où la pensée semble s’écouler naturellement.
Je me retrouve donc à devoir organiser le joyeux désordre intérieur. Certains ont un palais, moi c’est une brocante, dans laquelle on trouve tout et rien. Dès que j’ouvre la bouche, j’aimerais tant leur parler de ça et ça, et, oh, on travaille sur la poésie, ça me rappelle un truc…
Réussir à s’organiser. Parce que j’aimerais qu’ils aient confiance. Pas forcément en moi, mais dans le fait que les pensées, les mots, ça peut permettre d’éclairer. Faut jute réussir à voir à travers la frange.