Mardi 7 novembre

Et si à la vérité, plus personne ne savait comment faire ?

V. part en retraite à la fin de l’année prochaine. Et elle peste : « Des classes à trente-cinq élèves, qui ont cours jusqu’à 18 heures, ça ne peut tout simplement pas fonctionner. »

C’est un grand vaisseau, un vaisseau-cathédrale. L’Éducation Nationale, je veux dire. C’est un projet ambitieux, fou, où d’innombrables architectes ont voulu laisser leur marque : permettre aux générations à venir de trouver une place dans la société dans laquelle elles seraient libres, indépendantes et émancipées. Est-ce qu’on peut imaginer plus sublime ? Mais la cathédrale se fissure, le bateau prend l’eau. Et personne ne semble d’accord sur ce qu’il faut faire pour le réparer.

Est-ce à dire que c’est l’apocalypse, la catastrophe, la fin ? Je l’ignore. Dans mes moments les plus pessimistes, je me dis que la fin a déjà eu lieu. Que si on avait pu sauver l’éducation, on l’aurait fait bien avant. Et que depuis, élèves et enseignants vivent dans les alcôves, autrefois flambant neuves, de cette immense œuvre de plus en plus délabrée. Les couloirs résonnent de murmures et de rire : la vérité est que chacun tente à sa façon de continuer à faire vivre ce qui était autrefois – mais est-ce que ça l’a jamais été, au fond – un immense projet commun. Nous nous emparons tous de réformes en lambeaux qui nous semblent pertinentes, d’ambitions laissées sur le bord de la route. Nous tentons d’éviter les bulldozers qui rasent des fresques centenaires, des derniers rêves survivants. Nous enseignons en ruines.

Oui, j’ai le pessimisme lyrique. Et cette image n’est que ça : une image. Elle ne me console pas. Elle ne me dispense pas de lutter, de manifester, de bouger pour que ce système éducatif ressuscite. Pour qu’il cesse d’être le marchepied de ceux qui prétendent nous diriger, quand il ne s’agit que d’une étape dans leur plan de carrière.

Nous enseignons en ruines. Puissent-elle un jour trembler, se soulever. Et laisser place à quelque chose qui sera la somme de nos ambitions pour les élèves, de nos rêves et de notre force.

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