Pourquoi il faut (re)-jouer à Persona 3

Persona 3 Reload est sorti il y a quelques jours, disponible dans toutes les bonnes crèmerie. Il s’agit du deuxième remake du jeu Persona 3, sorti en 2007, et mettant en scène un groupe de lycéens luttant contre des créatures maléfiques, les Ombres, qui apparaissent durant une période de temps cachée au moment où minuit retentit, l’Heure Sombre. Pour les vaincre, nos héros recourent à des manifestations de leur psyché, les personae. Et le reste du temps, ils vivent leur vie d’adolescents. Un synopsis devenu assez classique dans le monde du jeu vidéo japonais, et qui, à première vue, n’a aucune raison d’attirer un autre public que des amateurs du genre.

Et pourtant, Persona 3 Reload est peut-être l’une des œuvres les plus en phase avec son époque, et le discours qu’elle porte à son sujet.

Il s’agit de la nouvelle itération d’un jeu vieux de plus de quinze ans : sa construction a vieilli. Mais bien vieilli. Contrairement aux volets suivants de la série, qui propose une foule d’activités annexes aux joueur, le fil directeur de l’aventure reste ici au centre : chaque soir, le petit groupe que nous rencontrons au fur et à mesure doit monter les étages d’une immense tour, le Tartare, renfermant peut-être le secret de l’apparition des Ombres. Le décor en change parfois, le principe non. Trouver le chemin vers l’étage suivant, en compagnie de ces ados, qui ne peuvent s’empêcher de discuter, de parler de sujets parfois superficiels. Ce sont de jeunes gens après tout. De jeunes gens qui n’ont pas demandé à crapahuter dans ce purgatoire, mais qui y sont contraints par les erreurs d’adultes qui les ont précédés.

Et c’est là le point névralgique, le coup de génie de Persona 3 : ce discours à la fois doux et intransigeant sur le passage de témoin entre générations. Les adultes ont déconné, ont déconné sérieusement. Et ils n’ont plus la force, l’énergie et le pouvoir de réparer leurs erreurs. Tout au long de l’histoire, on croise multiples figures d’autorités : enseignants, tuteurs, policiers. Toutes et tous font au mieux. Se révèlent souvent des alliés, il y a peu de méchants, dans Persona 3. Mais ce sont des alliés peu fiables. Ils sont cassés, englués dans leurs regrets et leurs erreurs. C’est à cette nouvelle génération, non seulement de porter le poids de ces erreurs, mais aussi de consoler ceux qui les ont précédés. Sans mépris ni morgue.

J’ai quarante et un ans, et me retrouver à contrôler un groupe de lycéens, surtout vu mon métier, me faisait peur. Je craignais de me sentir ridicule ; j’ai été ému. Ému de voir, même de façon maladroite et naïve, cette histoire qui a foi en des êtres à la frontière entre adolescence et âge adulte. En ces personnes encore capables de donner des impulsions fortes à leurs choix.

J’ai été ému de me rendre compte que les doubleurs des personnages ont changé, mais que de très nombreux comédiens de l’équipe originelle font des apparitions : eux aussi ont vieilli, ils prêtent désormais leurs voix à des adultes. Et la seule personne à reprendre son rôle incarne une créature sans âge. C’est peut-être une coïncidence, c’est terriblement touchant.

Persona 3 est un jeu triste et mélancolique, ce n’est pas pour rien si la couleur bleue y domine, que ce soit dans l’interface ou les paysages. Persona 3 est un jeu qui rappelle que le poids de nos erreurs pèse sur ceux qui nous suivent. Mais qui nous invite aussi à être doux, à être indulgents avec eux. Et c’est parce que je suis désormais un vieux joueur que j’ai pu y lire ce discours. Persona 3 me rappelle le poids des ans, le temps qui passe, et que le seule antidote à cette tristesse, c’est de tenter, maladroitement, de rendre les jours à venir un peu plus beaux. Même, surtout, si c’est voué à l’échec.
Et à chaque fois qu’un peu de cette beauté survient, de la remettre entre les mains de celles et ceux qui marcheront dans nos traces.

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