Jeudi 29 février

J’ai quitté la région parisienne et donc Grigny, où j’ai enseigné six années durant, il y a maintenant quatre ans. L’autre jour, à un collègue qui me reprochait de parler des situations en REP+ alors que j’enseigne à une catégorie d’élèves nettement plus aisée cette année, j’ai sèchement répliqué que j’avais enseigné « dans une des villes les plus pauvres de France. »

Et je m’en suis instantanément voulu.

D’abord parce que cette ville, ses habitants et les élèves que j’y ai connus n’ont pas à devenir un badge de fierté ou un argument lors d’une discussion. D’autre part, aussi, parce que ça fait déjà quatre ans. Et que je sais à quel point le temps passe vite dans l’Éducation Nationale. Je ne veux pas devenir ce mec complètement déconnecté, qui se croit encore pertinent dans ses commentaires, alors que la réalité ne correspond plus à ses souvenirs.

Mon passé est figé. Il m’a formé, me sert, mais n’est plus actuel. Je dois accepter, aussi, que ma pertinence se fane. Qu’elle s’actualise en d’autres endroits. Je dois accepter, tout simplement, de n’être qu’un fil parmi tous les autres de l’immense tapisserie enseignante. Mon expérience me rend plus savant mais pas plus légitime. Faire confiance à mes pairs, et leur apporter ce que je peux.

C’est ainsi, je le souhaite, que je deviendrai meilleur.

Une réflexion sur “Jeudi 29 février

  1. D’accord pour faire confiance à ses pairs, mais ça va dans les deux sens. Ton expérience est légitime, sans doute plus que celle de ton collègue qui avec un peu de chance n’a <em>jamais</em> enseigné à un autre public. C’est bien de sa part d’en avoir conscience, un peu moins de considérer que tout son entourage est logé à la même enseigne…

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