
Discussion avec E., dans un café. Je lui parle de l’idée qui me vient, parfois, de faire de ce journal un texte plus ramassé. Je dirai bien « un livre », mais ça ne veut pas dire grand-chose.
« Qu’est-ce que ça apporterait que ton blog n’apporte pas ? » me demande-t-il, avec sa capacité habituelle à poser les questions qu’il faut.
J’ai commencé par écrire ce journal pour prendre de la distance. Rendre la violence de ce qu’il m’arrivait un peu moins forte. Me la réapproprier. Et petit à petit, essayer de comprendre cette profession dont j’ai fini par comprendre qu’elle allait rester la mienne. Pour me rappeler d’elles et d’eux aussi. Ces élèves, dont j’ai souvent peur d’oublier les sourires et les cris.
J’écris ce journal pour montrer, aussi, l’impossibilité de résumer l’expérience d’un seul, un seul enseignant, à quelques pages, quelques tweets. Dérouler, jour après jour pour, dans quelques mois, années, pouvoir me dire que voilà. Voilà, c’est tout ça, l’expérience d’un prof. Mais c’est une tâche sans fin, une tapisserie de Pénélope.
Peut-être qu’un jour, je ramasserai parmi ces centaines d’entrées les fragments qui, tout simplement, me résonnent le plus fort au cœur. Peut-être que la seule chose que je ne peux montrer, parce que le quotidien, ça pleut, et souvent gris, c’est à quel point être prof, c’est fort.
Pas beau. Pas laid. Pas sacré. Pas infâme.
Fort.