
J’ai peur. J’ai tellement peur. Depuis que j’ai commencé ce boulot. Tout les dimanches soir. C’est ridicule, mais c’est comme ça.
Chaque dimanche soir, je suis à deux doigts de ne pas y aller. De réactiver mon compte Linkedin, de rédiger un CV et une lettre de motivation. Pour quoi ? Peu importe, pourvu que ce ne soit pas dans ce domaine là. Je veux pas je veux pas je veux pas.
C’est irrationnel et sans doute d’une banalité sans nom. Mais chaque dimanche soir, je suis au bord des larmes. Tous mes doutes, toutes mes angoisses, bien disciplinés, bien rangés, se concentrent entre 18h et 23h. Ça ne dépasse pas. Le reste de la semaine, matinée ou soirée, ce boulot me porte. Ou, lorsque le temps est gros, je sais surfer dessus. Même une heure épouvantable où j’ai eu la sensation de me faire bolosser ne parvient plus à m’atteindre. La prochaine sera meilleure, je serai mieux préparé, j’arriverai à comprendre ce qui a déconné. Je me sens leste, heureux, je traverse ma vie professionnelle comme ces personnages, dans les génériques d’animes, qui passent de plan en plan, fluides, dessinés tout en lignes courbes.
Alors pourquoi ? Pourquoi cette paralysie totale du dimanche soir ? Est-ce que je suis resté un môme ? Est-ce que mon psychisme a décidé que solder toutes ses craintes d’un coup, c’est plus rationnel ? Est-ce que je suis un mec de son temps, en manque de vertige métaphysique, et que je me programme des trouilles histoire de sentir mon pouls décoller ? Aucune idée. Mais à chaque fois, même si je le sais, même si je m’y attends, être broyé par ce ver des sables vespéral.
Je peux réfléchir de façon rationnelle à tout ou presque. Mais cette peur est invincible.
Une fois en retraite, papa a mis presqu’un an à ne plus avoir peur.
Je crois qu’en plus de la dimension prof, il y a celle d’acteur, comme avoir le tract avant d’entrer en scène.