Mercredi 15 mai

Je ne sais pas pourquoi c’est cette nouvelle-là qui m’a foutu un coup au moral. Mais une dépêche, parue hier, annonce une énième fois un déficit de candidats pour les concours de l’enseignement cette année.

D’habitude, je bosse en me bouchant les oreilles.

Il y a cette expression qui court dans ne nombreuses salles des profs : « Je ferme la porte et j’oublie tout le reste. » Ça n’est pas une légende. Se retrouver face à ses élèves, face à la tâche d’enseigner, que je tente de documenter jour après jour, j’aimerais qu’il n’y ait que cela dans ma vie professionnelle.

Mais ça n’est pas le cas.

Depuis dix-sept ans que je suis dans le métier, j’ai assisté à des réformes qui se sont invariablement changées en torches cherchant à tracer, chaque année, un cercle de cendres de plus en plus étroit autour de nos pratiques. De moins en moins d’heures, de plus en plus d’élèves, des injonctions de plus en plus contradictoires. Et bien entendu, des discours visant à changer nos inquiétudes et nos appels au secours en récrimination contre la perte de privilèges supposés.

Comme nombre de collègues, je me bats. Je manifeste, je rédige des motions, je communique, je fais grève, j’explique. J’échoue. Et je me retrouve, une fois la porte fermée, à enseigner, dans ce lieu devenu plus étroit, plus hostiles aux élèves, plus compliqué.

J’ignore si c’est l’âge, ou si la situation a atteint un point de bascule : mais je ne parviens plus à oublier, même face aux êtres les plus fascinants de la créations, mes élèves. Je m’étrangle de rage, à devoir enfiler des textes comme d’autres des perles, parce que cet oral du bac débile, je tape mentalement du poing dans un mur quand j’imagine ma très probable future affectation au collège, à devoir enseigner de façon formatée des contenus infoutus d’aider les mômes.

Mon métier brûle. Et on nous reproche d’enseigner en pleurant, des cendres dans les yeux, la voix irritée par la fumée. Mon métier brûle et, certains jours, je me sens tellement dérisoire avec mes rêves et mon petit verre d’eau.

2 réflexions sur “Mercredi 15 mai

Laisser un commentaire