Samedi 1er juin

Je suis arrivé en retard au conseil de classe des premières. Embouteillages de fin de semaine, entre le lycée d’Agnus et celui de Keves. Ça n’est pas un conseil si important que ça : tout ce que j’avais à dire sur mes élèves, je l’ai déjà dit.

Sauf concernant Léo.

Léo est l’un des seuls élèves avec lesquels je me sois pris le bec – toutes proportions gardées – durant l’année. L’un des très nombreux qui n’a jamais eu vraiment besoin de bosser jusque là. Parce qu’il est malin, comprend vite, et sait ce que l’on attend de lui. Le souci est qu’en français, en première, il devient difficile de faire semblant. Ça n’est pas impossible. Mais compliqué.

Et clairement, ses résultats ont pris un coup, ainsi que son orgueil. Et je n’ai pas réussi à lui faire comprendre ce qui lui arrivait. En tout cas, pas d’une manière qu’il a entendu. J’ai cru qu’il avait besoin d’un peu de sarcasme : parce qu’il avait ce sourire en coin, cet air de ne pas y toucher.

Alors que tout ce dont il avait besoin, c’était de gentillesse. Le truc que, d’habitude, je teste en premier. Il m’aura fallu près de deux trimestres pour le tenter avec lui. Pour m’asseoir à ses côtés, lui parler sans la moindre trace d’ironie, m’inquiéter avec lui, comme lui, de ses blocages.

Et quand j’ai enfin arrêté d’être aveugle à ses besoins, il est reparti. Il m’a expliqué, il y a peu, qu’il avait été très blessé par un adjectif, dans son bulletin : désinvolte. « Je fais des efforts, j’en fais ! »

Il en fait. En français du moins. Visiblement, pas dans les autres matières. C’est pour ça que j’aurais voulu être là pour lui. Pour pouvoir, en fin d’année, poser un geste grand et grotesque et être le mec qui défend cet élève désinvolte.

Trop tard. Décidément, avec Léo, j’aurai toujours agi à contretemps.

Laisser un commentaire