Mercredi 5 juin

C’est comme une sorte de liste mentale. Je me la suis faite quand j’ai commencé dans le métier, sans vraiment m’en rendre compte. Mais je sais quand je coche l’une des entrées. La première fois que j’ai fait cours, la première fois que je me suis pris le bec avec un élève, la première fois qu’ils ont joué une pièce de théâtre, la première fois où je suis sorti pleinement satisfait d’une heure, la première fois où j’ai pleuré…

Ça fait dix-sept ans.

Et ce soir-là, pour la première fois. Il est 17h20, et nous discutons avec Lysandre. Les bus sont tous partis – lui habite à côté – et nous continuons à parler d’Hélène Dorion, dont il a adoré le recueil. Comme à son habitude, son enthousiasme reste en sourdine. Mais ses questions, non. Il me pousse dans mes retranchements quant à mon savoir et mes interprétations. Me demande les raisons de mon choix. Me laisse le temps de développer ma pensée, de me rendre dans des contrées où, d’habitude, je crains de perdre mes élèves.

Un instant je me décentre et me regarde, un peu ironique, un peu en plongée, en train de pavoiser, en faisant des grands gestes, devant un élève qui en demande toujours davantage. Je suis un peu ridicule, il faut bien le dire. Mais j’ai aussi l’air heureux.

Allez, pour une fois.

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