
Et brutalement, les élèves occupent tes pensées douze fois plus. Faut dire que tu l’as bien cherché, t’es parti en voyage scolaire avec eux.
C’est toujours une expérience particulière ce que l’on appelle de façon très convenue, très américaine les « séjours de socialisation » en sixième. Tout un tas de petits pioupious surexcités de partir avec leurs copains, mais aussi un peu terrifiés.
Et au milieu, les accompagnateurs. Des créatures bizarres chargées de cadrer, de, guider, de rassurer, mais que les mômes choisissent volontairement d’oublier, de temps en temps.
Ça donne des situations étranges. Comme dans cette chambre de mômes qui refusent de dormir. Où tu finis planté au milieu de la pièce, juste à attendre que l’épuisement les gagne. À chuchoter doucement. Pour certains tu es l’empêcheur d’aller frapper aux portes des autres en rond. Pour d’autres une présence qui rassure et fait qu’enfin, ils osent fermer les yeux.
Ou alors tu es le portique à accessoires durant leur sortie sur la plage. Tu portes le seau d’Untel, le manteau d’une autre, ils te marchent sur les pieds, n’écoutent pas les consignes, ramassent des cailloux brillants et des coquillages après qu’on leur ait fait un laïus sur l’écologie de la plage pendant une heure.
Et d’un coup, un môme vient vers toi et enlace ta taille. « Ça va maître ? J’aimerais bien rentrer à la maison. » Il a les yeux qui brillent. T’en as deux ou trois qui se moquent, d’autres qui aimeraient bien faire pareil. Tu détaches doucement le petit poussin et plutôt que de faire la morale ou d’expliquer, tu leur parles d’autre chose. Ou tu leur racontes une histoire. La princesse Belle-Belle, le cyclope Polyphème ou Viviane et Merlin. Peu importe, ça leur permet de marcher en ignorant la pluie.
Et bien sûr les moments entre adultes, où les nerfs retombent, où on raconte de grosses bêtises, juste pour un peu redevenir nous. Quelques instants.
Parce que pendant trois jours, tu te fais coloniser le crâne par 64 petits regards. Par leurs histoires, leur rires, leurs craintes, leurs vomitos et leurs blagues.
Quel métier. Quel métier ?
très beau texte
Ah chez nous on appelle ça des séjours d’intégration 😉
Mais quels moments merveilleux, ces sorties. J’adore voir les élèves dans un autre contexte que celui de la classe.
Je trouve ça d’autant plus chouette de lire ce texte lorsqu’on est en capacité de se projeter dans l’ambiance des dortoirs de ce château Bretillien.
Quel métier ? Le métier aux milles anecdotes, le métier de la transmission bilatérale, le métier des métiers. Le plus beau. Le moins joli.
Marius