
« Monsieur, pourquoi il y a des gens qui sont racistes ? »
C’est la troisième fois qu’Anthéa me pose la question. Les deux premières, j’ai gentiment dévié. Mais on finit par comprendre quand ce genre de question trahit une lassitude. Les sixièmes Feunard ont très bien travaillé, toute la semaine. J’ai fait cours à marche forcée pour leur donner des notions qui me paraissent essentielles. Erreur classique : il faudra que je revienne dessus. Et ça les a crevé. Alors par-dessus ça, terminer la semaine sur de la grammaire, même si c’est en demi-groupe, même si c’est chacun son rythme, c’est un peu compliqué.
Alors les petits essayent de repousser le travail. En ralentissant le tracé du stylo. En compulsant à l’infini les pages du manuel. Et en posant des questions.
C’est un moment très délicat, très doux aussi. Aménager un espace de respiration qui ne détruise pas tout le cours. Alors pendant quelques minutes, à voix très basse, en restant auprès d’eux, je réponds à quelques questions sans trop de rapport les unes avec les autres. Pourquoi le racisme, donc, et aussi pourquoi on entend « a » dans femme, et pourquoi il y a plusieurs langues ?
« J’aimerais bien pouvoir vous valider le travail sur les homophones, par contre. Vous pensez qu’on peut le faire, en quinze minutes ? »
J’ai à peine changé l’inflexion de mon ton. Ils ont compris. Et avec cette classe, ça se passe bien. Alors ils se remettent au boulot, un peu plus détendus, un peu moins dissidents. Pour cette fois-ci, ça a fonctionné. De toutes façons, ce dont on finit par se rendre compte, c’est que le cours n’avancera jamais vraiment qu’à leur rythme à eux. A nous, les profs, de comprendre comment l’infléchir.