Jeudi 24 octobre

Parmi les élèves qui me demandent le plus d’énergie, en cinquième Astronelle, il y a Vlad. Pas uniquement parce que Vlad se sent obligé de formuler tout haut l’intégralité de ses pensées, qu’il amène ses affaires de cours un jour sur quatre, ou qu’il prend un malin plaisir à provoquer l’intégralité de ses camarades, mais aussi parce qu’il faut perpétuellement lui retirer son masque.

Vlad est persuadé d’être débile, haïssable, et stupide. « Mais de toutes façons je sais pas faire. » est sa phrase joker, son refuge.

J’ai essayé de me la jouer adulte confiant et concerné. En lui expliquant que bien sûr que si, il en était capable, en lui proposant des aménagements, en tentant des mini-tutorats. Tentatives qui se sont heurtées à une morgue qui aurait pu concourir aux jeux olympiques du foutage de gueule sur enseignant.

Et puis j’ai arrêté. Non pas de m’intéresser à lui, mais de montrer que je m’inquiète pour lui. Bien sûr que je m’inquiète pour lui. Mais la moindre démonstration de mon angoisse enseignante le fait marrer et lui donne une excuse pour ne rien faire.

« Monsieeeeur, je comprends rien à votre travail, là, hein.
– Je réexplique s’il faut. Par contre, je le relève dans dix minutes.
– Mais je suis trop bête pour le faire !
– C’est dommage, parce que c’est évalué, et que je n’accepte pas les copies blanches. Donc au boulot. »

Je n’ai aucune crédibilité en coach militaire. Mes intérieurs se tordent et mon cerveau me brame que je suis un bourreau d’enfants. Mais je tente de tenir. Et je rends les devoirs au cours suivant.

« Pas mal Vlad.
– Ah ouais ? J’ai réussi, genre ?
– En partie. Mais vous pouviez faire beaucoup mieux. Il y a des consignes que vous n’avez tout simplement pas lues.
– Ouais, enfin j’ai fait un peu, quand même.
– Et vous ferez davantage la prochaine fois. »

Ne le regarder que du coin de l’œil. Égrener à peine les compliments dont je suis d’habitude prodigue. Mais toujours, toujours être là pour lui. C’est crevant.
J’espère juste que ça finira par percer sa carapace.

Laisser un commentaire