Mardi 29 octobre

Mes élèves m’ont appris à lire. À lire d’une autre façon, je veux dire.

Depuis mes seize ou dix-sept ans, j’ai mes habitudes, lorsque j’entame un bouquin. Mes moments d’attention intense au tout début, mon habitude à sauter quelques pages puis à revenir dessus, le fait que, parfois, je lise quelques lignes à haute voix… Je trace à travers chaque texte un chemin qui m’est familier.

Ça n’est pas le cas, lorsque je fais lire les élèves. L’œuvre est une forteresse, et j’imagine comment y faire entrer chaque môme, selon ses affinités avec la lecture, ses difficultés et ses aisances. S’attarder sur le paratexte ou sur les notices biographiques. Observer la distribution des adjectifs qualificatifs, dans les premières phrase, ou la vitesse à laquelle l’intrigue démarre. Noter combien de personnages interviennent, et si leurs noms ne sont pas trop tordus… Ou a contrario, se demander ce que certains feront après avoir lu le livre, en deux jours, tandis que leurs potes continueront leur tranquille bonhomme de chemin, aux sixième chapitre.

J’ai toujours vu un bouquin comme quelque chose à déployer. Cela n’a jamais été plus vrai depuis que je suis enseignant. Arpenter chaque rue, chaque signe, chaque virgule. Pour qu’ils finissent par tracer leur propre chemin.

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